L'évangile de ce dimanche parle de "commencement", de "recommencement"... Mais de quoi s'agit-il?...
Quelle étrange manière de commencer un livre… que d’écrire clairement, noir sur blanc: "Commencement du livre…"! A-t-on jamais vu un romancier, ou tout auteur exercé, écrire un tel truisme? La Palice en aurait dit autant!
Le commencement dont il s’agit ici n’est cependant pas celui qu’on croit. Marc ne commence pas un "livre", mais bien "l’Evangile de Jésus, Christ, Fils de Dieu". L’Evangile, c’est bien plus qu’un livre; c’est, au-delà des mots qui s’enchaînent, l’annonce progressive et rayonnante d’une joie et d’un bonheur inouïs! Ce qui commence aussi, c’est, pour le lecteur, un chemin de découverte, de foi et de doute. Accepte-t-il, en lisant ces mots, de commencer à mettre en cause sa vie, de commencer à l’éclairer de la parole de Jésus? Va-t-il, comme l’écrit l’évangéliste, confesser que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu?
Aussitôt surgit un second commencement: un homme, Jean, aux allures de prophète, attire à lui les foules dans le désert, proclamant "un baptême de conversion pour la rémission des péchés". Rien que ça! Il commence une œuvre originale, à laquelle Jésus, bientôt, viendra se joindre. Ses premiers mots, Jean les emprunte à un autre prophète, le second Isaïe. Le lecteur attentif aura remarqué la reprise, dans l’Evangile, des mêmes mots: par Isaïe, une voix proclame la révolution spirituelle! Mais ce lecteur aura aperçu aussi la disparition étonnante des premiers mots d’Isaïe 40: Consolez, consolez mon peuple! C’est que, désormais, en Jésus annoncé par le Baptiste, la joie prévaut; plus de désolation nécessitant la consolation! Ou, plutôt: la consolation est enfin advenue! Car "la gloire du Seigneur se révélera"; on peut dire enfin: "Voici votre Dieu! Voici le Seigneur Dieu!".
Que de commencements! Et de recommencements, pour moi qui entends, une nouvelle fois, ces mots connus ouvrant l’Avent. N’est-ce pas le verbe que je dois conjuguer aujourd’hui? N’est-ce pas l’invitation pressante qui m’est lancée, en ouverture d’Avent? Commencer, recommencer… à préparer le chemin du Seigneur, à rendre droits ses sentiers.
Et je repense à cette phrase de Christian Bobin, le poète: "Ce qui croit commencer ne fait que poursuivre" (dans Autoportrait au radiateur). Par ma volonté résolue, je crois commencer et recommencer: il le faut, en ce début d’Avent. Remettre les pendules à l’heure du temps qui passe; redresser ce qui, en moi et alentour, est tordu, vidé ou gonflé; combler les ravins de mes pauvretés et rabaisser les collines de mes orgueils. Je crois commencer et recommencer cette année liturgique: il le faut, et la liturgie m’en réjouit déjà. Mais je ne fais qu'y poursuivre le chemin qu’il a ouvert devant moi, lui qui est venu s’unir à mon humanité dans l’étable de Bethléem. Je ne fais que suivre – je l’espère en tout cas et je l’appelle de toute ma foi – celui qui vient et qui recommence à me baptiser, aujourd’hui, dans l’Esprit Saint.
Abbé Joël ROCHETTE