Marco Bellocchio, réalisateur italien, dépeint l’enlèvement d’un enfant d’origine juive commandité par le pape Pie IX au XIXe siècle, et dénonce avec fracas un abus de pouvoir de l’Eglise.
A 84 ans, le cinéaste italien Marco Bellocchio poursuit son exploration des tragédies de son pays. Après la mafia dans Le traître, le fascisme mussolinien dans Vincere, il s’intéresse cette fois à un drame lié à l’Eglise catholique: l’enlèvement du jeune Edgardo Mortara par les autorités papales.
En 1858, dans le quartier juif de Bologne, les soldats du pape débarquent chez les Mortara, une famille juive. Ils sont là pour emmener Edgardo, six ans, car il a été baptisé par sa nourrice quand il n’était encore qu’un bébé. Elle dira plus tard qu’il était malade et proche de la mort et qu’elle a fait cela pour le sauver. Les ordres sont clairs, il ne peut être élevé dans cette famille car il serait alors considéré comme apostat et donc excommunié. Les parents tombent des nues, comment cela peut-il être possible? Mais ils ne peuvent rien contre la volonté du pape Pie IX.
Le jeune Edgardo est donc conduit à Rome, dans le collège de catéchumènes attaché au Saint-Siège. Il y suivra une formation, aux côtés d’autres enfants juifs et musulmans convertis au catholicisme. Ses parents seront écartés mais tenteront de récupérer leur enfant par tous les moyens. En vain. Edgardo grandira loin de sa famille, il sera une nouvelle fois baptisé et rejettera ses racines. Mais son enlèvement aura des répercussions sur la société de l’époque. La famille Mortara a ainsi reçu l’appui de nombreux pays d’Europe centrale et orientale.
Une fresque lyrique
Ce sombre fait historique est relaté par le cinéaste italien de manière détaillée et flamboyante. Il utilise en effet une musique symphonique pour souligner les événements. C’est à la fois grandiose et pesant, oppressant même. Le déchirement du petit garçon arraché à ses parents, les refus catégoriques des autorités papales de rendre l’enfant à sa famille, les protestations, tout est présenté avec fracas.
Le pape Pie IX, surtout, est… diabolisé. On le dépeint comme un monstre paniqué à l’idée de perdre son pouvoir. Il apparaît comme déconnecté de la réalité, drapé dans une forme d’orgueil et un sentiment de toute-puissance. Le réalisateur veut en effet dénoncer à travers cette histoire les dérives de l’intégrisme, mais aussi montrer une Eglise en plein bouleversement, tandis que l’unification de l’Italie progresse. A cette époque, les troupes piémontaises s’apprêtaient à envahir Rome, pour mettre fin aux Etats pontificaux.
Grande fresque historique, L’enlèvement est donc un film qui marque. Il n’est pas tendre avec l’Eglise catholique du XIXe siècle. La plupart de ses membres étant présentés comme des soldats qui respectent des ordres sans faire preuve d’empathie. Il assimile également la conversion d’Edgardo à un endoctrinement. On sent sa volonté de dénoncer l’attitude du Saint-Siège qui a opprimé pour régner. Tout cela, on l’a dit, avec emphase. L’enlèvement est donc un film lyrique et puissant mais qui tombe parfois dans l’excès.
Elise LENAERTS