Bénédiction de couples homosexuels: réactions catholiques contrastées


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Bénédiction de couples homosexuels: réactions catholiques contrastées
Les milieux catholiques LGBTQ américains ont reçu positivement l'autorisation par Rome de la bénédiction des couples homosexuels | photo d'illustration © Ted Eytan/Flickr/CC BY-SA 2.0
Par Cath.ch
Publié le
4 min

L’autorisation de bénir des couples de même sexe, validée par le Vatican le 18 décembre 2023, provoque des réactions diverses dans le monde. Si certains saluent une ouverture pastorale répondant à l’attente des fidèles, d’autres craignent un affaiblissement du mariage sacramentel.

Les milieux catholiques LGBTQ américains ont reçu positivement l'autorisation par Rome de la bénédiction des couples homosexuels | photo d'illustration © Ted Eytan/Flickr/CC BY-SA 2.0

Le Père James Martin, ardent avocat de l’accueil des homosexuels dans l’Eglise, n’a pas attendu longtemps avant de franchir le pas. Le 19 décembre 2023, soit le lendemain de la diffusion par le dicastère pour la Doctrine de la foi (DDF), le prêtre américain a béni un couple d’hommes, à New York. James Martin a reçu avec un enthousiasme certain la décision de Rome en parlant d’un changement «important».

Les catholiques LGBTQ considèrent la déclaration Fiducia supplicans comme une avancée significative, assure le site américain Crux. Francis DeBernardo, directeur de l'organisation catholique de défense des homosexuels New Ways Ministry, a déclaré «qu'on ne saurait trop insister sur l'importance de la nouvelle déclaration du Vatican", car elle "élargit les moyens par lesquels les catholiques LGBTQ peuvent connaître l'amour de Dieu".

Lire aussi : Une déclaration doctrinale ouvre la bénédiction à des couples irréguliers

Une «invitation au schisme»?

Pour certains théologiens, il est cependant trompeur de considérer le texte comme un changement fondamental dans l'enseignement ou la pratique. "L'enseignement de l'Église sur le mariage n'a pas changé, et cette déclaration l'affirme, tout en s'efforçant d'accompagner les personnes par le biais de bénédictions pastorales, car chacun d'entre nous a besoin de l'amour et de la miséricorde de Dieu dans sa vie", a ainsi souligné la Conférence des évêques des Etats-Unis (USCCB).

Si les évêques américains sont restés prudents, certains observateurs ont jugé plus sévèrement Fiducia supplicans. Le théologien Ulrich Lehner a notamment qualifié la déclaration «d'annonce publique la plus malheureuse depuis des décennies". "C'est - et je déteste le dire - une invitation au schisme", a-t-il ajouté.

Pour le professeur à l’Université de Notre-Dame (Indiana), "son langage imprécis invite à l'incompréhension et sèmera la confusion. De plus, certains évêques s'en serviront comme prétexte pour faire ce que le document interdit explicitement, d'autant plus que le Vatican ne les a pas arrêtés auparavant". Le théologien d’origine allemande a en tête le passage du texte romain insistant sur le fait qu’une telle bénédiction ne peut pas faire l’objet d’une ritualisation.

Le danger de «promouvoir l’irrégularité»?

Mais, si le clivage, en Occident, se situe principalement entre les franges 'conservatrices’ et 'progressistes’, le fossé est également notable entre les continents et les cultures. «Si les épiscopats africains restent pour le moment discrets, prêtres et fidèles du continent n’hésitent pas à exprimer leur incompréhension», note ainsi La Croix Africa. Aussitôt relayée par la presse, cette décision a rapidement été au cœur des conversations des fidèles et des prêtres africains, «très majoritairement défavorables à cette possibilité», souligne le journal. «Comment cette bénédiction peut-elle pousser ces personnes vers la conversion si l’Église estime qu’ils sont dans le péché?», confie ainsi au quotidien François, un catholique ivoirien. Il considère même qu’une telle bénédiction risquerait de «promouvoir ce mode de vie de couple».

L’Allemagne applaudit

A un autre pôle de sensibilité, en Allemagne, la décision du Vatican a été vivement applaudie. Le chemin synodal de ce pays avait revendiqué cette avancée avant même la phase mondiale de Rome, en octobre dernier. Selon le site CNA deutsch, une majorité des évêques allemands sont en faveur de la bénédiction des couples de même sexe.

Mgr Georg Bätzing, président de la Conférence épiscopale allemande (DBK), a notamment déclaré: "Je salue chaleureusement ce document et je suis reconnaissant pour la perspective pastorale qu'il adopte.» Mgr Peter Kohlgraf, évêque de Mayence, s’est dit «très heureux que, grâce à ce texte, certains refus agressifs puissent, je l'espère, prendre fin, et qu'il apparaisse clairement que l'attention de bénédiction portée aux personnes est vraiment catholique".

En Suisse, la Conférence des évêques a assuré que la déclaration de Rome «correspond au souhait des évêques suisses d’une Eglise ouverte qui prend au sérieux, respecte et accompagne les personnes dans différentes situations relationnelles.» Le prêtre genevois Pascal Desthieux a estimé sur cath.ch que «'Bénir’ signifie 'dire du bien’. Alors 'pouvoir bénir’, c’est toujours une bonne nouvelle».

Pas un "certificat de bon comportement"

Des observateurs notent effectivement que l’enjeu de Fiducia supplicans porte moins sur l’homosexualité que sur le sens de la bénédiction. Pour la théologienne américaine Cathleen Kaveny, "ce que le document dit fondamentalement, c'est que les bénédictions ne sont pas un sceau d'approbation pour tous les aspects de notre comportement (…) elles sont un moyen de canaliser la grâce de Dieu vers le haut - en remerciant Dieu pour ce qu'il nous a donné, ce sont des bénédictions ascendantes - et d'appeler la bénédiction de Dieu sur nous dans notre situation personnelle (…).»

✍️ Un article de Raphaël Zbinden pour cath.ch


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