Les reliques de saint Lambert ont (enfin) dévoilé leur secret. Mais lequel ?


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Les reliques de saint Lambert ont (enfin) dévoilé leur secret. Mais lequel ?
Par Diocèse de Liège
Publié le
5 min

Lors de la conférence de ce jeudi 9 novembre, devant un parterre de près de 700 participants, et en présence de Mgr Delville, le professeur Philippe Boxho a présenté les résultats de son étude des ossements conservés dans la châsse de saint Lambert. La prudence reste de mise "mais nous avons un bon candidat", a notamment affirmé le légiste plus tôt dans la journée.

La calotte crânienne présente une lésion compatible avec le scénario de l’assassinat de Saint Lambert (c) Diocèse de Liège

Le verdict est enfin tombé. Le professeur en médecine légale Philippe Boxho a présenté le rapport minutieux de ses constatations, très attendu depuis l’ouverture de la châsse par Mgr Delville le lundi 16 octobre. Si la prudence reste la mère de toutes les vertus face à ce type de cas, le directeur de l’Institut médico-légal de Liège a pu fournir quelques éléments fiables sur l’individu en présence dont une bonne vingtaine d’ossements ont été conservés, représentant 10% d’un squelette entier. Le légiste a cependant été limité dans son interprétation par l’altération des ossements. Il est même revenu faire quelques vérifications l’après-midi précédant la conférence avant de mettre le point final à son rapport. 

Ceci n’est pas une clavicule

Notre expert liégeois peut toutefois affirmer qu’il s’agit bien d’un seul individu, notamment par l’emboitement de certaines pièces; péroné et astragale, ossements du métatarse se sont parfaitement assemblés tel un puzzle. Un seul ossement a été identifié comme étranger car de couleur différente, il s’agit d’un cubitus et non d’une clavicule comme mentionné sur l’étiquette par ceux qui ont réalisé l’inventaire en 1865. Une erreur que le professeur avait immédiatement notifiée lors du déballage des ossements par Mgr Deville.

Mais rien de surprenant, estime Philippe Boxho, "à l’époque on ne connaissait pas l’anthropométrie comme aujourd’hui, c’est normal qu’ils se soient trompés". L’ossement proviendrait donc d’un second individu adulte mais de petite taille. Cet ossement isolé offre par ailleurs une fenêtre d’interprétation intéressante pour l’actuel Conservateur du Trésor de Liège, Julien Maquet. “On sait par les textes historiques que toutes les châsses de la cathédrale ont été ouvertes en 1489 dont celle du neveu et des compagnons de saint Lambert, assassinés avec lui, l’un d’entre eux, Pierre, est décrit par les sources comme étant de très petite taille.”

Un individu boiteux d’une soixantaine d’années

Tel un puzzle, certains ossements s’emboîtent à merveille. (c) Diocèse de Liège

Entre la calotte crânienne et le bassin, nous n’avons malheureusement conservé aucun ossement, ceux-ci ayant plus que probablement été distribués comme reliques insignes à de nombreuses églises. Dès lors, que reste-t-il? et que pouvons-nous en déduire? Tout d’abord, une vertèbre présente des traces d’arthrose, l’individu en question avait donc un certain âge au moment de son décès. Hypothèse confirmée par un autre fragment qui permet d’évaluer l’âge du défunt à une soixantaine d’années. Or, on sait que l’âge canonique pour devenir évêque à l’époque de saint Lambert était fixé à trente ans et que ce dernier a régné pendant une trentaine d’années, précise Julien Maquet.

Les premières conclusions du légiste semble donc plutôt valider l’identité de saint Lambert, dont il a également pu estimer la taille, 168 cm avec une marge d’erreur de 5 cm. Il réaffirme la constatation établie lors de l’examen préliminaire en présence des journalistes : le tibia gauche présente une malformation laissant supposer une boiterie. Cet élément a déjà pu être rapproché de sources écrites mentionnant l’usage d’une canne par saint Lambert. 

Le scénario de l’assassinat validé 

Enfin, l’examen de la boîte crânienne a permis de déceler une lésion ante mortem, résultant d’un coup porté à l’aide d’un objet transperçant aux bords tranchants, style lance ou javelot. Nous avons donc un "bon candidat" pour une pénétration frontale à droite. Scénario tout à fait compatible avec le récit de la mort de saint Lambert, dont le meurtre a été commandité par Dodon, comme l’a exposé Mgr Delville lors de la conférence de ce 9 novembre.

Les ossements présumés de saint Lambert ont-ils dévoilé tous leurs secrets? Dès le départ, il était convenu avec le légiste de ne procéder qu’à un examen strictement visuel sans prélèvement. Pas de recherches ADN qui en réalité n’apporteraient rien comme complément, et pour le carbone 14, l’histoire a montré que cette technique était loin d’être infaillible, pointe Julien Maquet. Le légiste n’a pu déterminer le sexe de l’individu, sans crâne ou bassin complet. 

Ces conclusions viennent ainsi plutôt renforcer le récit historique de la mort de saint Lambert. Comme l’explique Julien Maquet, les résultats de cette enquête sont tout à fait intéressants. “Le professeur Boxho apporte des éléments nouveaux qui permettent de relire les sources historiques, par ailleurs bien connues, différemment, le jour de sa mort saint Lambert utilise sa canne pour frapper à la porte. Ces recherches réalisées dans un esprit très collaboratif nous aident à mieux connaître l’histoire de saint Lambert et du diocèse de Liège.

La science nous fait avancer 

Notre évêque, historien de formation, n’avait d’ailleurs émis aucune réticence quand le projet d’ouvrir la châsse pour en étudier les ossements lui avait été présenté en septembre dernier. “Mais nous savions que nous ne prenions pas de grands risques, précise Julien Maquet, parce que nous étions bien documentés sur l’histoire des reliques, nous savions qu’elles n’avaient pas subi de graves perturbations même en période de troubles.

A l’aune de cette journée intense, Julien Maquet est un homme heureux : “Puisque nous connaissons très bien les sources écrites, seul ce type d’expertise peut nous apporter du neuf. Qu’elle confirme ou infirme nos hypothèses, cette démarche scientifique nous fait avancer dans la connaissance.” 

Sophie DELHALLE  - Diocèse de Liège

(Re)lire les précédents articles sur l’ouverture de la châsse et le dévoilement des reliques de saint Lambert

LA BOITE CONTENANT LES RELIQUES DE SAINT LAMBERT A ÉTÉ EXTRAITE DU RELIQUAIRE

MGR DELVILLE A DÉVOILÉ LE CONTENU DU COFFRE ROUGE EXTRAIT DE LA CHÂSSE RELIQUAIRE DE SAINT LAMBERT

Catégorie : Eglise Belgique

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