Il y a quelques semaines, le Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles adoptait un décret sur l’Education à la vie relationnelle, affective et sexuelle (EVRAS). Le texte a été largement critiqué. Et il l’est encore. Cette semaine, c’est Danny-Pierre Hillewaert, prêtre catholique dans le diocèse de Tournai et confident de nombreux jeunes, qui nous écrit.
J’écris aujourd’hui car je suis inquiet face aux graves lacunes dans le projet éducatif qui sous-tend le guide EVRAS que la Communauté française impose à toutes les écoles, y compris les écoles catholiques, et qu’elle aimerait voir élargir à tous les mouvements de jeunesse.
Sur ce même débat: Un autre EVRAS est possible (émission Il était une Foi)
En tant qu’éducateur, je partage de nombreuses valeurs promues par le guide EVRAS que je suis prêt à défendre activement: le respect du consentement, la lutte contre le harcèlement et les discriminations, le respect, la prévention contre les infections sexuellement transmissibles… En même temps, le guide EVRAS adopte des positions que je ne peux partager:
- La sexualité est présentée comme "un plaisir partagé entre personnes consentantes". Cette réduction de la sexualité à la quête de plaisir est plus qu’insuffisante pour préparer les jeunes à une vie affective et sexuelle épanouissante et équilibrée.
- Le guide EVRAS encourage la sexualité précoce pourvu qu’elle soit avec consentement, mais néglige les graves conséquences émotionnelles et psychologiques qu’elle engendre. Une éducation sexuelle complète devrait aborder ces risques. Sur ce sujet, le guide contredit aussi la loi belge qui énonce avec sagesse qu’"un mineur qui n’a pas atteint l’âge de 16 ans accomplis n’est pas réputé avoir la possibilité d’exprimer librement son consentement".
- Aucune information sur les dangers des addictions sexuelles, les moyens de s’en prémunir, les ressources disponibles pour en sortir. En raison des graves dommages que les addictions sexuelles causent chez les jeunes, il est surprenant que la protection des jeunes contre ces addictions ne soit pas une priorité.
- L’EVRAS insiste sur l’importance de "parler de pornographie sans émettre de jugement de valeur". Pourtant, la vision d’une sexualité adulte choque et traumatise des enfants et des jeunes, produisant des effets similaires à un abus, et engendre des addictions. Les dégâts sont considérables. Si l’EVRAS ne s’engage pas à protéger les enfants, alors, à quoi sert-il?
- Rien n’est abordé concernant l’apprentissage de la maîtrise de soi. Mais lorsque qu’un jeune se retrouve confronté à la justice pour des délits sexuels, il n’est pas ménagé. L’EVRAS aspire-t-il réellement à réaliser un travail éducatif? Dans ce cas, ne serait-il pas nécessaire d’enseigner aux jeunes comment gérer leurs pulsions?
- Le guide ne s’oppose pas à l’envoi d’images intimes (nudes ou sextos) à condition de faire un usage responsable du numérique. Les parents sont-ils d’accord avec cela?
- Il est évident que certains adolescents ont du mal à accepter leur sexe, et il est important de les accueillir avec bienveillance et de les accompagner. Cependant, cela ne justifie pas d’enseigner dès l’âge de 5 ans, comme une vérité établie, la distinction entre l’identité de genre et le sexe biologique.
- Le guide EVRAS ne parle pas de la manière différente dont les filles et les garçons abordent la sexualité alors que cela les éclaire beaucoup…. Encore une lacune tellement étonnante pour un guide d’éducation.
- Il n’y a pas un mot sur l’accueil de la souffrance des jeunes. En mettant en avant la normalité de toutes les situations, la douleur associée à certaines d’entre elles (comme une expérience sexuelle précoce, un avortement, le divorce des parents, l’absence d’un parent, ou une sexualité dénuée d’amour) peut sembler étrange voire critiquable. Pendant ce temps, certains jeunes endurent leur souffrance seuls, en silence.
Ce guide prétend être neutre…
Il existe de nombreux autres sujets contestables mais mon intention ici n’est pas d’établir une liste exhaustive des questions soulevées par ce document. Car le problème central réside dans le fait que le guide EVRAS prétend être neutre alors qu’il favorise clairement une perspective particulière en fait très discutable. Et finalement, Il se place au-dessus de toutes les religions, cultures et valeurs familiales qu’il présente comme porteuses de stéréotypes de genre, les qualifiant ainsi de potentiellement nuisibles. Cela semble paradoxal pour un document censé promouvoir l’esprit critique, l’ouverture, la tolérance, le dialogue et surtout… la neutralité!
Je souhaite simplement défendre le droit des écoles et des mouvements de jeunes à ne pas partager la vision éducative de ce document et à construire une éducation à la vie sexuelle et affective en accord avec leurs principes, sans être étiquetés d’intégristes, complotistes, mal informés ou autres. Après tout, ne pas accepter un dialogue sur ces sujets ne revient-il pas à adopter une position intégriste?
Pour mieux connaître Danny-Pierre Hillewaert
Ecoutez l'interview accordé à 1RCF : "A l'origine, je suis plutôt quelqu'un de timide..."