Disponible sur YouTube depuis quelques mois, le documentaire The Letter relate la rencontre entre plusieurs témoins, invités à échanger avec le pape François au Vatican, autour de l'encyclique Laudato si'.
"Nous voyons bien ce qui se passe et le plus triste, c'est que nous nous y habituons". Ce sont les mots choisis du pape François pour ouvrir le documentaire, en miroir au récit de Bilal, migrant rescapé des flots. "Le fait de s'habituer au pire est un terrible fléau" ajoute le Saint Père.
Une lettre à tous les habitants de la planète
The Letter raconte comment des personnes aux parcours si différents - mais qui partagent le même rêve et le même engagement pour la planète - ont été invitées au Vatican pour rencontrer le pape François et discuter de l'impact du changement climatique sur l'humanité et la biodiversité.
Les dix premières minutes du documentaire mettent en scène la réception de l'invitation du pape à Arouna, du Sénégal, au chef amazonien Dada, à la jeune militante indienne Ridhima et aux scientifiques américains Greg Asner et Robin Martin. "Je crois qu'on va à Rome" s'exclame cette dernière. "C'est qui le pape?" demande le petit frère de Ridhima. Ensuite, le documentaire nous présente leur portrait, centré sur leur engagement en faveur de la préservation de la planète.
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Durant leur séjour en Italie, ils seront accompagnés par le Dr Lorna Gold, du Mouvement Laudato si' en Irlande. "Le pape François a écrit une lettre à tous les habitants de la planète pour partager ses inquiétudes sur l'état du monde" affirme-t-elle. En invitant ces témoins, il veut faire entrer en dialogue la voix des pauvres et des marginaux, la voix des peuples autochtones, la voix des jeunes et la voix de la nature et de la vie sauvage, lors d'une table ronde au Vatican, explique-t-elle encore. Pour "ouvrir le dialogue entre les différentes périphéries" selon les termes du Dr Lorna.
Lors de cette rencontre, François reviendra notamment sur les origines de Laudato si'. Le pape a voulu à l'époque s'entourer de scientifiques et de théologiens, pour délivrer une parole, car "l'heure est grave", estimait-il déjà.
Des parcours si différents, mais tous impactés par le changement climatique
Enfant, Arouna a du mendier dans la rue. Son plus grand rêve ? Aller à l'université. Aujourd'hui, il aimerait faire comprendre aux jeunes de son pays qu'ils doivent y rester et ne pas risquer leur vie sur des bateaux de fortune pour atteindre un rêve européen qui tourne le plus souvent au cauchemar.
"Pour moi la forêt est comme ma maison, une grande et belle maison" explique le chef Maro, Dada, qui, depuis 2002, organise la résistance pour sauver les terres amazoniennes de l'appétit féroce des exploitants forestiers. Et ce combat a déjà coûté la vie à plusieurs centaines d'indigènes.
La toute jeune militante indienne Ridhima, qui a rejoint le combat de Greta Thunberg, n'aurait jamais imaginé recevoir une lettre du pape. "Je ne pensais même pas que c'était possible. Je n'en reviens toujours pas." confie-t-elle à la caméra. Marquée par les inondations qui lui font faire des cauchemars, elle s'est donné pour mission de guérir et de sauver la planète avec l'aide de sa génération.
Enfin, le couple d'Américains qui oeuvrent pour la protection des coraux menacés d'extinction à l'échelle planétaire (notamment par les vagues de chaleur marine), Greg Asner et Robin Martin expliquent que le changement climatiques perturbe les indispensables interactions entre les organismes vivants.
"La science à elle seule ne peut pas résoudre la crise"
"La plus grande force aujourd'hui vient des mouvements populaires et des jeunes, c'est de là que viendra une force nouvelle" affirme le pape François. La dynamique de Laudato si' repose essentiellement sur le dialogue avec le science, dont la théologie ne peut se passer. Car "Dieu nous a doté de la capacité à chercher la vérité", poursuit le Saint Père.
Il faut donc attendre la dernière demi-heure pour vivre la rencontre tant attendue avec le pape François par nos cinq témoins qui ont chacun apporté un cadeau personnel et très symbolique au souverain pontife. Puis, l'échange commence enfin, dont nous ne découvrons, au final, que quelques bribes.
Avec son humour légendaire, le pape François demande, avant de s'installer, en pointant les caméras : "La technologie est-elle écologique ou non ?" Une question pas si innocente que cela à dire vrai.
"La science à elle toute seule ne peut pas résoudre la crise de la biodiversité ou la crise climatique, développe Robin, la voix teintée d'émotion, la science est une boite à outils, mais il nous faut bien plus que des outils."
Lors de cet échange, le pape François convoque le récit de la tour de Babel et en propose une relecture qui fait écho à la situation actuelle. "Nous construisons une tour qui est celle de l'arrogance humaine avec des briques de pouvoir et d'argent et pour construire cette tour les gens travaillent comme des esclaves."
Il ajoute : "La nature nous crie d'arrêter". La priorité pour François est de "faire unité pour sauver notre mère la Terre". Il donne aussi ce conseil à ses invités. "Dans cette culture du jetable, n'oubliez personne, ne laissez personne de côté."
Que l'esprit d'Assises souffle sur nos vies
Le documentaire s'achève à Assises. Le cardinal Cantalamessa évoque la figure de saint François dont le pape actuel a choisi de prendre le nom, pari ambitieux s'il en est. François avait par ailleurs exposé lors d'une audience en la salle Paul VI, pourquoi il avait choisi ce patronyme : parce que le saint d'Assises est un homme de la pauvreté, de la paix et de la création.
Les échanges dans le groupe se poursuivent donc dans la ville de l'auteur du Cantique de la Création. Les participants disent comment cette rencontre a ou va changer leur vie. Et l'on remercie le réalisateur, Nicolas Brown, d'avoir terminé son documentaire par une note d'espérance.
Sophie DELHALLE