Petits ou grands donateurs et volontaires participent à l’évolution du monde ambiant. Un livre récent fait le point sur la philanthropie. Voilà l’occasion de réfléchir à celle-ci.

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Tous les mercredis, Marie va chercher sa nièce dans son institution, pour l’emmener en promenade. Stephan, lui, visite les personnes hospitalisées. Et Isabelle a opté pour un don permanent au bénéfice d’une ONG qui lui tient à cœur. Quel est donc le point commun de ces trois personnes ?
Ces individus sont, à leur manière, des philanthropes. Et selon le Petit Robert, la philanthropie se définit comme « un amour de l’humanité », et par extension une forme de « désintéressement ». Dans leur livre publié à la suite du confinement, La philanthropie. Un regard européen, Brigitte Duvieusart et Luc Tayart de Borms indiquent : « La philanthropie existe depuis la nuit des temps et est présente, de différentes manières, dans toutes les cultures. Valeur universelle qui décrit l’amour du genre humain, elle reflète l’imaginaire moral de chaque société et est souvent ancrée dans leur spiritualité. » Et de compléter : « La philanthropie est universelle, elle représente la manière dont les sociétés imaginent et racontent leur générosité, dont elles expriment leur soin de l’autre, leur amour désintéressé, leur vision de ce qui rend plus humain. » En donnant du temps, en prêtant attention aux autres qui les entourent ou sont plus loin, mais aussi en faisant un don financier, les individus accomplissent un geste philanthropique. Le don d’argent peut d’ailleurs être comparé à une « allocation volontaire ».
Reflet d’un lieu et d’une époque
Qu’en est-il alors de la légitimité des actions philanthropiques? Selon les deux auteurs, c’est l’intérêt général qui leur sert de marqueur, « dessine les contours et les limites de leur champ d’intervention ». Le contexte ambiant prévaut également, car « ce qui faisait l’intérêt général hier ne sera plus nécessairement valable demain. » Tout comme ce qui importe aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni ne prime pas pour autant en Europe. Inscrite dans un lieu précis et dans une réalité temporelle, la philanthropie « doit avoir une bonne compréhension de la manière dont le changement sociétal se produit et quels acteurs clés sont impliqués dans le processus« . Elle ambitionne, en effet, d’être « un laboratoire de l’innovation sociétale », avec un ancrage dans l’époque contemporaine. Parmi les différentes approches, on retrouve « des fondations créées à l’initiative d’un ou d’une philanthrope, des fondations communautaires ou de[s] projets philanthropiques ponctuels ».
Focus sur la reine des fondations
Fondée en 1985, la Fondation Roi Baudouin gère désormais plus de 1.000 fonds. Pour ce faire, elle est accompagnée de plus de 4.000 experts, qui accompagnent la bonne gouvernance de ceux-ci. « Ces experts bénévoles participent aux comités de gestion, les jurys de ces fonds. Ce n’est jamais le personnel de la Fondation Roi Baudouin qui détermine à qui vont partir les moyens récoltés. Les experts décident des affectations. Ils acceptent de travailler ensemble de façon pluridisciplinaire et reflètent la diversité des différents courants de pensée de la société. Ils garantissent aussi la légitimité de l’action de la Fondation », nous détaille Brigitte Duvieusart, responsable Stratégie et Savoir à la Fondation Roi Baudouin. Les domaines qui en bénéficient sont variés : la recherche médicale, la lutte contre la pauvreté, la culture, l’aide au développement, l’environnement… « On dit souvent que le philanthropie part d’une expérience personnelle. C’est ce que je veux changer dans la société avec mes moyens, mon expérience, ma façon de voir les choses… Elle est souvent liée à ce que l’on a vécu, ce qui explique sans-doute qu’une bonne partie de la philanthropie part vers des questions de santé », estime encore Brigitte Duvieusart.
Une générosité de tous les jours
Loin des grands donateurs multimilliardaires d’Amérique, la Belgique se caractérise plutôt par l’apport de ses classes moyennes et une grande « générosité de proximité ». Brigitte Duvieusart nous confirme qu’on assiste en permanence à l’émergence de nouveaux types de philanthropie. Toutefois, elle précise que ceux-ci « ne remplacent pas les précédents et reflètent peut-être les manières d’être des nouvelles générations ». En symbiose avec la société, la philanthropie est à l’image de ceux qui la constituent.
Angélique TASIAUX
Brigitte Duvieusart et Luc Tayart de Borms, La philanthropie. Un regard européen. Economica, 2022, 192 p.
A voir 🎬 Brigitte Duvieusart dans l’émission Il était une foi ✔