A la suite de plusieurs scandales qui ont choqué la communauté, les catholiques de Lituanie ont exhorté leurs évêques à suivre l’exemple d’autres pays en mettant en place une commission d’enquête indépendante sur les abus sexuels dans l’Eglise.

« Les fidèles ont de nombreuses questions sans réponse et la confiance du public dans l’Église institutionnelle diminue », souligne une lettre ouverte adressée aux évêques par quelque 150 personnalités catholiques.
La lettre adressée début juillet 2023 aux sept évêques diocésains du pays et au nonce apostolique a été signée par plus de 150 professeurs, directeurs d’école, professionnels des médias et personnalités publiques, ainsi que par des prêtres et des religieuses. « Des événements largement médiatisés liés à des crimes sexuels commis par des membres du clergé ont ébranlé la communauté catholique en Lituanie », rappelle le texte.
« Seules les connaissances les plus fiables et une transparence totale peuvent aider à éviter les mensonges, les ambiguïtés et les dissimulations à l’avenir, ainsi qu’un système efficace de prévention et de signalement des comportements inappropriés et d’assistance aux victimes ».
Pour les signataires de la lettre, une commission indépendante devrait être dirigée par un « expert universitaire impartial » ayant la confiance du public et n’ayant pas de liens institutionnels avec l’Église, et que les évêques locaux devraient lui donner accès à toutes les données nécessaires, y compris les archives.
Des révélations qui ont secoué le pays
Les abus commis par des membres du clergé ont été mis en lumière en mai, lorsque le chancelier de l’archidiocèse de Vilniu a été condamné à une amende de 4’000 euros pour possession de matériel pédopornographique après une perquisition des bureaux de la curie à la suite d’une dénonciation d’un victime, affirmant avoir été payée pour des relations sexuelles à l’âge de 15 ans. Une autre accusation d’abus sur mineur a été abandonnée faute de preuves. Le prêtre, qui a contesté certaines accusations, est actuellement suspendu dans l’attente d’une décision du Vatican.
L’archevêque de Vilnius reconnaît ses défaillances
Dans une déclaration le 2 juin, Mgr Gintaras Grušas, archevêque de Vilnius, a reconnu ne pas avoir été “un bon pasteur”. “Je n’ai pas su voir tous ceux qui m’étaient confiés et protéger les plus faibles ». Il a présenté ses excuses aux victimes et à « la communauté des croyants et des frères prêtres » qui s’étaient sentis « trahis et déçus ». « Peu importe ce que je dirai, cela ne réparera pas les dommages causés par le comportement inapproprié du clergé ou d’autres serviteurs de l’Eglise envers les mineurs et les personnes vulnérables ».
Dans sa déclaration, l’archevêque Grušas a remercié les journalistes et les procureurs d’avoir mis en lumière ces crimes. Il a reconnu que les lignes directrices actuelles de l’Église lituanienne étaient « insuffisantes » pour traiter les plaintes. Il a exprimé sa volonté de mettre sur pied une équipe chargée de « construire un système efficace de prévention, de dénonciation et d’aide aux victimes », en s’inspirant de ce qui se fait dans d’autres pays.
« Toutes les mesures, même les programmes de formation les plus rigoureux, seront vaines si leur mise en œuvre n’est pas régulièrement vérifiée. Ainsi, au moins une fois par an, nous rendrons compte au public des activités réalisées », a déclaré l’archevêque Grušas.
Pas de réaction officielle
Le porte-parole de l’archidiocèse de Kaunas, Darius Chmieliauskas, lui-même signataire de la lettre a cependant déclaré à OSV News qu’il n’y avait pas pour l’heure jusqu’à présent de réaction officielle de l’Eglise à la lettre ouverte.
« Nous exigeons de la transparence de la part des fonctionnaires de l’Etat et nous devrions attendre la même chose de nos évêques – bien que le cas de Vilnius ait touché une corde sensible parce qu’il impliquait un personnage si haut placé, il y en a eu d’autres aussi », a déclaré Ruta Tumenaite, qui dirige les programmes catholiques à la radio d’Etat lituanienne.
Les critiques contre les prêtres mal reçues par les plus âgées
« Mais alors que les jeunes sont d’accord pour dire qu’on ne peut pas ignorer quelque chose qui porte atteinte à la confiance dans l’Eglise, de nombreux catholiques plus âgés considèrent toute critique comme une attaque contre la foi chrétienne, insistant sur le fait que les prêtres sont des médiateurs entre Dieu et les gens et qu’on devrait les laisser régler ce problème eux-mêmes », a-t-elle ajouté.
L’Église catholique rassemble les quatre cinquièmes des 2,73 millions d’habitants de la Lituanie. Le pays est souvent loué pour sa résistance spirituelle héroïque sous le régime soviétique, qui a duré jusqu’au retour de l’indépendance en 1991.
cath.ch/osnews/mp