« Réaliser l’organigramme d’un diocèse est un vrai challenge ». Et c’est un fin connaisseur du sujet qui l’affirme. Jean-Pierre Deleersnijder occupe actuellement le poste de vice-chancelier, qui le prépare à assumer la fonction de chancelier à partir du 1er janvier 2024. Le parcours qui l’a conduit jusqu’à cette haute responsabilité diocésaine est impressionnant d’éclectisme.

Diplômé d’une école d’horticulture, Jean-Pierre Deleersnijder poursuivra des études sur les conseils d’un de ses professeurs. Son régendat en géographie et sciences économiques en poche, il enseigne pendant un an dans une école horticole. « J’ai adoré donner cours », se souvient-il. Mais son passage dans l’enseignement fut néanmoins assez bref. « Au retour de mon service militaire j’avais perdu ma place. Je voulais rapidement me marier alors je suis entré chez Cockerill. » Comme son père et son grand-père, originaire du Limbourg, avant lui.
Expert en sûreté
En 37 ans de carrière chez Cockerill (devenu Usinor, Arcelor, Arcelor-Mittal et enfin Liberty), Jean-Pierre a pu faire ses armes au sein de départements très différents: la production, la communication et enfin la sûreté. Pendant près de vingt ans, son rôle aura été de veiller à la sécurité du géant de l’acier mais aussi de traquer les organisations frauduleuses actives en interne. Comment a-t-il vécu les différentes crises traversées par le secteur sidérurgique liégeois? « Chaque crise a été un moment fort, une opportunité aussi de mettre en avant les compétences du personnel. » Pour Jean-Pierre, chaque difficulté s’avéra une occasion de s’enrichir, de mûrir.
La fin de l’histoire lui laisse pourtant un goût amer. Il y a dix mois, il démissionne. « L’entreprise était souvent à l’arrêt. Les promesses n’étaient pas tenues. Je n’étais plus en phase avec la situation et j’étais incapable de transmettre le message de la direction qui était un mensonge. J’ai besoin d’honnêteté. J’étais arrivé au bout du chemin. » Aussi, Jean-Pierre gardait secrètement dans un coin de sa tête l’idée de devenir chancelier lorsqu’il serait à la retraite. « C’est arrivé un peu plus tôt », sourit-il.
Faire du bien autour de soi
Actuellement, Jean-Pierre est vice-chancelier et poursuit une formation avant d’accéder officiellement à l’échelon supérieur. Quels sont ses atouts pour endosser une telle responsabilité? « La rigueur! C’est l’ingrédient de base pour réussir cette mission. » Le chancelier doit faire preuve de précision et d’une grande maîtrise de la législation. Ses décisions ont un impact humain, souligne Jean-Pierre. « Dès aujourd’hui, ma volonté est de me mettre au service des hommes et des femmes. Tous les jours, je fais du bien autour de moi, c’est extrêmement gratifiant, et c’est ce qui me manquait dans mon précédent emploi. »
Ensuite, le chancelier doit savoir communiquer et écouter. Afin de « comprendre rapidement les besoins et apporter les réponses adéquates », précise Jean-Pierre. Enfin, une connaissance pointue du diocèse et de ses réalités constitue un atout majeur. En cela, notre vice-chancelier est un homme de terrain qui a accompagné pendant vingt ans son épouse, assistante paroissiale. « J’étais un peu le prince consort! », s’amuse-t-il, « mais cela m’a permis de m’imprégner comme une éponge. » Jean-Pierre ajoute encore la pugnacité au rayon des qualités essentielles du futur chancelier.
Business church
Estime-t-il que l’Eglise est une entreprise comme les autres? « L’entreprise n’est pas une démocratie. L’Eglise non plus, mais le droit de parole et les lieux de débat existent. L’Eglise n’est pas non plus meilleure que les entreprises traditionnelles, elle a aussi ses faiblesses. Mais elle porte beaucoup plus d’attention au respect de chaque individu. L’Eglise pratique le discernement afin de préserver la dignité humaine dans sa prise de décision. Elle a néanmoins ses codes et ses particularités dont il faut tenir compte. »
Et comment définir la future fonction qu’il est appelé à remplir? « Le chancelier doit gérer les traitements du personnel diocésain; il est en fait l’interlocuteur officiel du diocèse avec le SPF Justice. » ll est aussi celui qui authentifie les documents promulgués par l’évêque tels que les décrets de nomination. Ce contreseing du chancelier est une disposition du droit canon. Le chancelier se charge également de l’octroi de distinctions honorifiques pour les laïcs, qu’elles relèvent du diocèse ou du Vatican. « Nous en distribuons entre 30 et 50 par an ». Et d’en profiter pour ajouter: « Je veille particulièrement au positionnement des laïcs qui sont une réalité contemporaine de l’Eglise. L’Eglise existe parce que des laïcs s’y investissent. Sans les laïcs et en particulier les femmes, il n’y aurait plus d’Eglise. »
Une foi assumée
Cette Eglise, Jean-Pierre y est tombé dedans quand il était tout petit. Comme Obélix ! « Je n’ai pas été autorisé à rater une seule messe étant enfant », nous raconte-t-il avec humour. Tout comme le service dominical, la prière est une évidence pour le petit garçon. « Dieu est avec nous, Jésus est dans notre cœur, ça je l’ai entendu. » Après leur mariage, Jean-Pierre et son épouse s’éloignent un peu de la pratique, mais retrouve le chemin de l’Eglise avec leurs enfants, baptisés et catéchisés. Grâce aussi à la rencontre d’un prêtre « à la foi profonde » mais ancré dans son temps. Cette foi, Jean-Pierre l’assume aussi totalement dans son milieu professionnel puisqu’il n’hésitait pas à citer l’Evangile devant le personnel. « Si en démocratie il est permis de se référer à des grands hommes comme Churchill ou Napoléon, alors ce devrait être aussi le cas pour Jésus. »
Au terme de notre rencontre, le futur chancelier nous confie « sa » prière, découverte il y a peu lors d’une réunion. Un texte de Michel Wagner pour celui qui doit prendre une décision importante: « Des jours, des semaines que j’y réfléchis…, il faut maintenant décider… Je te sais trop respectueux de notre liberté… pour décider à notre place. La décision que je vais prendre risque-t-elle de porter tort à des plus faibles. Si la décision prise se révèle mauvaise, donne-moi de la corriger. Si elle est bonne, donne-moi de l’assumer. »
Sophie DELHALLE