Ce jésuite français croit que Dieu nous donne rendez-vous aux côtés des précarisés. Aller vers eux n’est toutefois pas aisé, il convient de développer des bonnes pratiques. Mais de telles rencontres nous aideront aussi à mieux accueillir nos propres limites. Et à goûter à la joie.
Théologien de haut vol? Certainement. Mais c’est par une formation de géographe qu’Etienne Grieu a débuté. "Cela m’a donné le goût du terrain et la conviction qu’il est possible d’élaborer une réflexion théologique qui passe par l’écoute de ce que disent les gens", relit-il. Par la suite, pour sa thèse de théologie, ce jésuite français s’est entretenu avec une trentaine de chrétiens, leur demandant de lui raconter leur itinéraire spirituel. Alors qu’il dirige aujourd’hui le Centre Sèvres, les Facultés jésuites de Paris, Etienne Grieu tâche de demeurer connecté au terrain. En particulier à celui qu’habitent les plus fragiles. Son dernier ouvrage, Le Dieu qui ne compte pas, s’appuie autant sur des rencontres avec des personnes connaissant la grande pauvreté que sur une réflexion originale.
Dans votre livre, vous rappelez que Dieu se donne d’abord aux tout-petits. L’Evangile en offre une claire illustration. Est-ce une réalité que l’Eglise aurait toutefois un peu oubliée au cours de son histoire?
Je dirais qu’on est tout le temps tenté de l’oublier.
Pourquoi?
Parce qu’être fidèle à ce message n’est pas du tout évident! On est toujours tenté de se dire: "C’est bon, on a compris que les personnes très pauvres ont une proximité particulière avec Dieu. Mais maintenant, qu’est-ce qu’on fait?" La notion d’efficacité apparaît alors. Et dès ce moment, on court le risque de voir les personnes pauvres comme des fardeaux. Dans la vie de l’Eglise, on observe très souvent ce mouvement. Mais on observe aussi le mouvement inverse: celui d’un retour aux sources. Cette prise de conscience: "Attention, on a négligé la relation vivante avec les personnes qui ne comptent pas aux yeux des autres. Or, c’est là que le Seigneur nous attend d’abord!"
Propos recueillis par Vincent DELCORPS