Dans le débat concernant l’extension du délai légal d’avortement, la parole de l’Eglise se fait vilipender. Ici, c’est un président de parti qui estime que les évêques n’ont pas à interférer. Là, c’est un constitutionnaliste qui menace un vicaire général de sanction pénale. L’abbé Philippe Mawet, curé, responsable à Bruxelles de l’Unité pastorale Stockel-au-Bois, s’interroge sur ce refus de donner à l’avortement une dimension éthique.
Peut-on imaginer que la question de l’avortement ne soit pas une question éthique? C’est ce que certains et certaines mandataires, politiques et autres, veulent faire admettre aujourd’hui. Sans doute faut-il contextualiser pour comprendre l’enjeu d’un tel débat. Il existe aujourd’hui un projet de loi visant à autoriser la pratique de l’avortement jusqu’à 18 semaines au lieu de 12 actuellement. La liberté démocratique permet à chacun - et en conscience - de se situer devant cette question. Dans un réel souci de prendre part au débat, les évêques de Belgique ont émis quelques réflexions demandant que tout ce qui touche à la vie de l’enfant à naître ne soit pas oublié dans ce débat. Parmi d’autres choses.
Lire cette mise en garde des évêques de Belgique sur l'avortement
Sur son blog, le chanoine Eric de Beukelaer, vicaire général du diocèse de Liège, a voulu relayer ces réflexions épiscopales en soulignant le caractère éthique d’un tel débat. Un constitutionnaliste réputé a vivement réagi en affirmant que de tels propos étaient passibles de sanctions pénales car, désormais, l’avortement est un acte médical et que le législateur ne peut légiférer que dans le seul cadre des questions de santé publique. L’avortement est un acte médical, et seulement un acte médical! D’où, il n’est plus question d’éthique. D’où, pas d’ingérence des évêques qui n’auraient d’autre but que de détricoter le cadre légal dans lequel est définitivement réglée cette question.
L’éthique n’est pas facultative
Qu’y-a-t-il derrière ce refus de donner à l’avortement, à sa pratique ou à son refus, une dimension éthique? Les députés et sénateurs seraient-ils des robots sans conscience? Les questions de la vie, en son germe et en son terme, ne seraient-elles réglées que par des arguments soi-disant objectifs pour lesquels la science est à la fois compétente et normative?
Nous nous trouvons ici devant un problème de société de grande importance. Dans nos débats actuels cependant, l’éthique n’est pas facultative. Elle n’est même pas une matière à option.
Il n’y a pas de choix responsables sans conscience.
Il n’y a pas de débat fécond sans en mesurer les conséquences au plan des choix de vie.
Il n’y a pas de liberté quand on le confine dans le carcan des solutions imposées.
En fait, je crois profondément que toute question n’accède à sa pleine humanité que si elle comporte:
- une dimension éthique
- une dimension mystique
- une dimension politique
Ce sont, certes, des domaines distincts mais cependant indissociables. Ils sont constitutifs de l’être humain jusqu’en son mystère le plus beau parce que le plus profond. Il s’agit aussi de ne pas se tromper de "progrès". Qu’est-ce que le progrès sinon ce qui permet la croissance de l’humain, la guérison de ce qui est malade et la prise de conscience de ce qu’est notre destinée qui, pour les croyants, rime avec "éternité"?
Etouffoir intellectuel
C’est vrai – et nous en faisons tous l’expérience – que tous nos chemins de croissance humaine et spirituelle passent par beaucoup de fragilités. Ce sont souvent ces fragilités qui nous permettent de ne pas devenir des "apprentis-sorciers" séduits par tout ce que Prométhée réserve comme illusions à ceux qui pactisent avec lui. Pour les humains que nous sommes, l’intelligence n’est heureusement pas qu’artificielle et la robotisation sans visage n’a jamais conduit au bonheur ni à la sérénité.
Mais alors, direz-vous, quels liens avec la question de départ qui était celle de l’avortement?
Nous ne pouvons pas enfermer le cœur et l’esprit humains dans un seul et unique questionnement qui deviendrait vite un étouffoir intellectuel.
Dans le débat sur l’avortement, il est, bien sûr, question de santé et des choix à faire par les femmes et les couples. Mais la question de l’enfant à naître ne peut pas être évacuée au nom de ce que la loi permet. Et c’est ici que l’éthique trouve et garde toute sa place.
Le débat ne peut jamais devenir un enfermement mais un tremplin. Ce n’est pas parce que des gens ou des groupes pensent autrement (fussent-ils des évêques) qu’ils sont des obscurantistes. Une société sans éthique est une société sans valeurs. et le refus de l’éthique conduit inévitablement à l’inhumanité! On ne se grandit jamais en refusant l’éthique!