A Namur, une exposition met en lumière le travail des sculpteurs du XVIe siècle. L’occasion de découvrir le travail minutieux d’artistes talentueux.

Eglise Christ-Roi à Waibes (Thuin).
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Il est réjouissant qu’en cette période où l’on va sur la lune et dans l’espace, il reste encore des découvertes à opérer près de chez nous ! Ainsi en est-il de la sculpture sur bois du XVIe siècle dans l’Entre-Sambre-et-Meuse. Là, un courant artistique s’est déployé, à l’imitation de celui né en Italie : le maniérisme. Avec ses cous allongés, ses formes étirées, ses pieds démesurés, ses doigts immenses, ses proportions hors normes, le maniérisme a connu un certain retentissement.
« Un art de la rupture »

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Commissaire de l’exposition Sculpteurs d’avant-garde… au XVIe siècle et conservatrice adjointe au TreM.a, le musée des Arts anciens du Namurois, Marie Dewez se réjouit de cette mise en valeur d’un patrimoine qu’elle estime trop souvent « méprisé et inconnu ». « Avec ses proportions qui s’éloignent des modèles habituels dans la nature, cet art a d’ailleurs été considéré comme décadent ou dégénéré, au point de penser que ces artistes ont manqué leur pièce ! » explique la responsable des collections du musée qui préfère parler d’un « art de la rupture ». Marie Dewez est enthousiaste face à « l’inventivité avec laquelle les artistes ont agi » et décerne son coup de cœur à la statue de sainte Marguerite réalisée par le maître des stalles de Nivelles et propriété de l’église Saint-Lambert à Bouvignes-sur-Meuse. « Son visage traduit une grande virtuosité. La déformation est présente, mais sans que cela paraisse improbable. L’ensemble est élégant. » Autre exemple flamboyant réalisé par cet artiste, probablement dinantais, avec les stalles de la collégiale de Nivelles. Celles-ci ont bénéficié d’un long et patient chantier de restauration entrepris il y a une quarantaine d’années. Sculpteurs d’avant-garde… au XVIe siècle ne manque pas, non plus, de rendre hommage au travail discret des fabriciens d’église, attentifs à la préservation du patrimoine qui leur est confié.
La difficile préservation des œuvres
Autre aspect mis en valeur dans cette exposition, la polychromie souvent oubliée des sculptures médiévales. En effet, ne sont-elles pas nombreuses à avoir été repeintes ou carrément décapées ? Docteure en histoire de l’art et restauratrice, Corinne Van Hauwermeiren détaille : « Dès le XVIe siècle, le développement d’une production de plus en plus importante d’œuvres en marbre et albâtre, mais également, à partir de la seconde moitié du XVIIIe siècle, de l’esthétique classique amène nombre de sculptures en bois à revêtir un blanc manteau. Une couche monochrome immaculée, niant la richesse des polychromies originales, est appliquée uniformément sur un grand nombre de sculptures médiévales. Ces œuvres prennent désormais l’apparence froide et distante de la pierre ou du marbre, perdant toute nuance dans les modelés des carnations ou tout rendu illusionniste des textiles, tandis que les visages deviennent inexpressifs, dépourvus de vie. » A ces multiples déformations vient s’ajouter « un empâtement progressif » dû à l’épaisseur des couches apposées pour masquer et uniformiser l’ensemble.
Angélique TASIAUX
L’exposition Sculpteurs d’avant-garde… au XVIe siècle est à voir jusqu’au 9 juillet au TreM.a – Musée des Arts anciens du Namurois. Infos