Le nouveau film d’Andréa Bescond et Eric Métayer, "Quand tu seras grand", interroge la façon dont nous traitons nos aînés dans les maisons de retraite. Rencontre avec la coréalisatrice.
Andréa Bescond, qu’aviez-vous à l’esprit quand vous avez commencé à écrire "Quand tu seras grand"?
Ce qu’on a essayé de faire Eric et moi avec ce film, même s’il est "feel good" et porteur d’espoir, c’est de parler de l’abandon des personnages âgées dans les EHPAD, des conditions de pension, et surtout des conditions de travail du personnel soignant. On vient solliciter le courage de chaque spectateur, chaque spectatrice. C’est une réalité: nous sommes dans un système où on maltraite la fin de la vie. Notre but n’est pas d’être moraliste ou de culpabiliser les gens, mais il est de questionner.
Lors d’une scène très émouvante, vous montrez notamment comment les soignants sont poussés à bout.
C’est agaçant parce qu’on a beaucoup entendu parler de la maltraitance. Mais avant de parler de la malveillance naturelle de l’être humain, on va peut-être parler de la maltraitance institutionnelle. Je voulais qu’on sente que ces gens ultra-bienveillants sont amenés à flirter avec la maltraitance par manque de moyens et de temps.
On peut voir ce métier comme une véritable vocation?
Absolument, je crois qu’il y a un don de soi. J’ai toujours admiré ces corps de métier pour leur générosité, leur abnégation même. Il faut être fort pour se lever tous les matins, travailler jusqu’à l’épuisement puis rentrer chez soi le soir en ayant vu une petite dame pleurer parce qu’on n’a pas pu lui accorder l’attention dont elle a besoin. Ils devraient être bien mieux payés, mieux considérés. J’ai été très marquée de les voir manifester avant le Covid, sans aucune réponse, puis de les voir se donner comme ça, être applaudis pour revenir aujourd’hui à des conditions de travail tout aussi dramatiques voire pires et s’en contenter.
Comment expliquez-vous qu’on puisse délaisser à ce point les personnes âgées?
Par l’appât du gain. On laisse une poignée de gens se faire de l’argent sur nos aînés. On paye 3.000 à 4.000 euros par personne parce qu’on n’a pas le choix. On nous a complètement pris au piège. On est très polis, très gentils, très soumis. C’est désolant. On manque cruellement de compassion. Le système nous amène vers l’égoïsme, vers l’individualité. Le problème est qu’on tombe dans le panneau.
Bande-annonce du film "Quand je serai grand"
Il semble pourtant qu’il y ait une prise de conscience, plusieurs enquêtes ont dénoncé les dérives des EHPAD.
Oui, c’est vrai, la question des aînés est venue sur le tapis. Mais je déplore que, comme beaucoup de sujets on en parle énormément d’un seul coup mais il n’y a pas d’action mise en place pour résoudre le fond. Le problème des EHPAD, c’est un problème de moyens, notamment de moyens publics, parce que c’est à l’Etat de prendre en charge. C’est aux entreprises de générer moins de profits sur la vieillesse des êtres humains, mais il faudrait que ce soit quelque chose de légiféré avec l’Etat. On voit que ce n’est pas le cas. Honnêtement avoir un jardin commun entre une école et un EHPAD, ce n’est pas si difficile. Je crois que les communes peuvent mettre ça en place facilement. Ça va se faire au fur et à mesure, grâce à des initiatives personnelles, mais ce n’est jamais institutionnalisé et c’est regrettable.
C’est une autre partie de votre film, cette rencontre entre des enfants et les résidents de la maison de retraite.
Oui, ces rencontres intergénérationnelles, c’est ultra-positif. Eric et moi souhaiterions que ça se développe un maximum. C’est joli de voir ces personnes âgées reprendre contact avec la vie, c’est vraiment plaisant. Mais ce n’est pas non plus LA solution. Il faut avant tout mieux traiter nos aînés et les personnes qui font leurs soins dans ce type d’établissement.
Propos recueillis par Elise LENAERTS