Il suffit parfois de deux ou trois bouts de papier pour changer le monde. Loin des théories fumeuses, le globe-trotteur Carlos Palma a expérimenté une méthode, en apparence, toute simple. Développé pour quelques-uns, son dé de la paix a traversé les frontières et conquis les cœurs.

Carlos Palma a un parcours hors du commun. Né en Uruguay, il y poursuit des études de philosophie. Devenu membre du mouvement des Focolari, il réside durant 30 ans au Moyen-Orient. Ayant appris l’arabe, l’hébreu, le turc… il travaille d’abord dans une école de la vieille ville de Jérusalem. « C’était le début de l’intifada. Mon premier choc fut lorsqu’un enfant m’a demandé ce qu’était la paix. Les enfants, les adolescents et les jeunes sont les premières victimes de la situation du Moyen-Orient. Ils vivent dans un climat où il y a une culture de la guerre. »
📰 Cet article est extrait du dossier « Ces nouveaux artisans de paix »
dans le journal Dimanche du 29 mai 2023
Un bâtisseur exemplaire
Présent sur les lieux de l’explosion d’une bombe, il se retrouve en pleine désolation, au milieu des corps morts et des gravats. Emerge alors l’envie de contribuer, à son échelle, à un changement de culture. Que la guerre devienne paix! Mitraillé de pierres par un groupe de jeunes, il se lie avec l’un d’entre eux.
« Il y a des gestes qu’on ne comprend pas avec la tête, mais avec le cœur. Si je veux contribuer à la création d’une culture de la paix, il faut commencer par celle de l’amour, pas du sentimentalisme ni du romantisme. Mais un amour exigeant qui demande de donner sa vie. Moi, je veux donner ma vie pour la fraternité universelle, pour l’unité et pour la paix. » Aimer devient le premier de ses préceptes, inspiré par l’art d’aimer de Chiara Lubich, la fondatrice du mouvement des Focolari.
ℹ Chiara Lubich, en voie de béatification
Des initiatives mobilisatrices
Après un passage au Liban et en Irak, deux pays confrontés à de nombreuses violences, il enseigne l’anglais dans une école américaine en Egypte. Y survient le printemps arabe. Marqué par la mort de certains de ses élèves et de la maman de l’un d’entre eux sous ses yeux, Carlos Palma décide de transformer le dé de l’amour des Focolari en dé de la paix.
Pour le réaliser, il lui suffit de changer quelques phrases. De retour en classe, il propose à ses élèves de jeter le dé chaque matin et d’y trouver, ce faisant, le programme dicté par la phrase en exergue. Sur les six faces, on peut lire dans la version en français: « je partage avec les autres », « nous nous pardonnons les uns les autres », « je veux le bien-être des autres », « j’aide ceux qui sont dans le besoin », « j’écoute l’autre », et enfin « je respecte tout le monde ».
✂ Pour fabriquer ce dé de la paix, télécharger le PDF
« Mon intention était que ces enfants puissent vivre quelques heures à l’école dans une ambiance de paix, alors que dehors se déroulait la révolution, avec des attentats, des ambulances… » Fort de cette première résolution, Carlos Palma propose d’y joindre le « time-out for the peace », une minute de silence pour penser à la paix. Une manière de s’unir avec tous ceux qui prient ensemble à midi et de renouveler cet engagement pris individuellement. Le choix de l’heure de midi n’est pas anodin, puisqu’il permet d’associer tous ceux en prière partout dans le monde.
Motivés, les jeunes avaient trouvé une raison de vivre ».
Carlos Palma
L’enseignant le constate: les changements sont immédiatement perceptibles auprès de ses élèves. « Ils ont commencé à vivre des expériences très fortes! » Comme par exemple, renoncer au football pour aider les autres en difficulté, partager leurs résumés de cours… De multiples gestes concrets se trouvent ainsi posés. « Motivés, les jeunes avaient trouvé une raison de vivre », analyse Carlos Palma.
Après avoir été raillée, sa démarche finit par convaincre. L’homme qui voulait changer le monde avec un dé de carton a réussi à changer le climat ambiant des salles de classe. « Même le niveau académique s’est amélioré. Les parents ont commencé à rentrer dans la dynamique de la paix et à raconter leurs propres expériences. » Dans chaque classe, le dé est jeté pour donner le ton de la journée. Puis, cette démarche du « leaving peace », la construction de la paix, est déployée dans 25 autres écoles du Caire. « On ne fait pas la paix, on la vit dans son cœur », détaille l’initiateur du projet, encore émerveillé.
Le soutien des plus grands
Le dé va progressivement se retrouver dans d’autres pays et continents, grâce à des adolescents qui ont écrit un courriel à d’illustres responsables politiques. « Même si on a la révolution, nous voulons vivre la paix, grâce au dé! »
A peine quelques jours après leur envoi, Barack et Michelle Obama leur répondent, les encourageant à poursuivre cette initiative: « Que rien ni personne ne vous arrête. » Ils sont rejoints par d’autres personnalités, dont le roi d’Espagne, le président d’Irlande, le Premier ministre du Grand-Duché de Luxembourg, des ministres de la Culture et de l’Education… « Un dé de carton qui fait tout ce bruit! Ces moments forts disent que c’est le dé de Dieu! », estime son concepteur.

Une responsabilité partagée
A côté des grands traités internationaux, il y a le quotidien, qui implique la participation de chacun. « La paix est une conviction. Ce n’est pas seulement le fait des politiciens. La paix qui a des racines naît dans le cœur des personnes. Je dois en être le protagoniste avec ma famille, ma communauté… », détaille Carlos Palma. « Juif, musulman, petit garçon, grand-parent… nous sommes de la même famille. » Nourri de chrétienté, « le projet est né dans un pays musulman et les valeurs du dé sont universelles ». Pour preuve, certains reprennent le concept et traduisent les faces du dé selon leur propre langage, avec des phrases extraites du Coran, de la Torah, de l’Evangile…
De multiples versions du dé existent, en lien avec des réalités différentes. Carlos Palma se réjouit de voir tant de gens engagés à vivre les valeurs de la paix et que l’initiative soit déclinée dans des hôpitaux, des prisons… Déjà distingué par trois titres de docteur honoris causa – au Mexique, en Equateur et en Espagne – l’Uruguayen conserve sa simplicité, surpris d’être convié avec pour tout bagage un dé en poche et son expérience personnelle!
je désire que nous soyons de plus en plus nombreux à promouvoir la paix !
Carlos Palma
Désormais installé à Rome, Carlos Palma y coordonne le projet Living Peace International, présent dans 130 pays, 102.000 écoles, 250 universités, 92 organisations internationales partenaires, ainsi que de très nombreuses associations et fondations… Il parcourt le monde pour donner des formations, prendre la parole à des congrès, soutenir les écoles engagées dans cette démarche.
« Ce que je désire le plus, c’est que nous nous rendions compte que nous sommes plus nombreux à promouvoir la paix que la guerre! » Il en est convaincu, « chacun de nous a un charisme, une contribution, un talent à mettre en pratique pour construire la paix ». Et pour y parvenir, il faut commencer par aimer! La réponse se trouve dans l’action…
Angélique TASIAUX
Pour en savoir plus: http://livingpeaceinternational.org
Dans le dossier Dimanche « Ces nouveaux artisans de paix »
👉 Témoignage de Mgr Hector Fabio Henao, facilitateur de dialogue
🕊 Parole donnée à Alois Musomesha, promoteur de la réconciliation rwandaise

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