Durant plus d’un an, avec une quinzaine d’autres personnes, Catherine Chevalier et Martine Henao ont réfléchi à la place des femmes dans l’Eglise. En complément à l’entretien qu’elles nous accordent dans le journal Dimanche, elles signent une Opinion. Et nous invitent à retrouver le souffle de la coresponsabilité baptismale.
Chaque année, la Journée internationale des droits des femmes ravive la mobilisation pour les femmes, encore trop souvent victimes de violence, d’injustice et de discrimination. Sans minimiser l’importance de tant de drames vécus par les femmes, profitons de cette date pour rêver d’un peu plus d’équité entre les femmes et les hommes au sein de l’Église catholique. Rêver de voir enfin aboutir les travaux de la deuxième commission sur l’ouverture du diaconat aux femmes, ou au moins d’en savoir un peu plus sur ses travaux! Plus ambitieux: rêver que l’affirmation "l'Église estime ne pas avoir autorité pour conférer le sacerdoce aux femmes" (Ordinatio sacerdotalis, 1994) soit réexaminée par une assemblée plurielle de femmes et d’hommes, de fidèles laïcs et de ministres ordonnés! Quelle belle mise en œuvre de la synodalité cela pourrait être…
Avec
Dans nos paroisses et nos groupes divers, nous avons pu partager ces rêves grâce à la phase locale du Synode sur la synodalité, et tant mieux! Faut-il maintenant se croiser les bras et attendre les résultats du synode? Tel n’est pas l’avis d’un groupe de femmes et d’hommes qui s’est mis en route au printemps 2020 pour réfléchir à la question de la place des femmes dans l’Église. L’ouvrage d’Anne-Marie Pelletier, L’Eglise, des femmes avec des hommes* a servi de point d’appui à notre réflexion.
C’est le petit mot avec qui nous fascine, et il nous a conduit à mettre en évidence trois chantiers à approfondir: le chantier biblique, le chantier symbolique et le chantier de la gouvernance ecclésiale. Des chantiers concernent les relations entre femmes et hommes, mais aussi celles entre baptisés et ministres ordonnés. Car, pour nous, œuvrer en faveur d’une indispensable reconnaissance de l’autorité d’une parole féminine en milieu ecclésial ne relève pas tant d’une revendication d’égalité que d’une responsabilité de conversion que nous partageons toutes et tous, baptisés, baptisées, clercs et laïcs, hommes et femmes.
Passons en revue ces chantiers.
Le chantier biblique. L’enjeu est ici de se ressourcer à l’Evangile du Christ. Retourner ensemble aux Ecritures, dialoguer autour de la Parole entre femmes et hommes, entre baptisés et ministres ordonnés. Cela peut prendre différentes formes: celles de groupes de partage dans nos maisons ou dans nos lieux d’Eglise, ou de brefs temps de partage à la place de l’homélie. Et pourquoi ne pas donner l’occasion de commenter la Parole, dans le cadre de l’homélie, à d’autres personnes, femmes et hommes, que les ministres ordonnés, pour ouvrir le champ de l’interprétation de la Parole?
Le chantier symbolique. Comment masculin et féminin sont-ils honorés dans notre liturgie? Les aléas de l’histoire ont abouti à une séparation liturgique entre ministres ordonnés et fidèles laïcs. Vatican II a inversé la vapeur en resituant les ministères comme un service du peuple de Dieu. Mais le travail n’est pas terminé et on peut même s’interroger sur le retour à une certaine sacralisation… N’est-il pas temps de prendre au sérieux les deux motu proprio Spiritus Domini et Antiquum ministerium par lesquels le pape François invite à réfléchir à l’institution d’une diversité de ministères laïcs? Répondre à cette invitation serait une belle façon de sortir de la dualité prêtres-laïcs et d’associer symboliquement femmes et hommes laïcs au ministère de vigilance et d’accompagnement de l’évêque.
Le chantier de la gouvernance ecclésiale. Le chemin synodal a remis en valeur le sacerdoce baptismal dans l’exercice de la gouvernance ecclésiale. Comment poursuivre l’effort? Commençons par remettre sur pied les conseils pastoraux diocésains là où ils ont disparu. Pourquoi ne pas réfléchir au sein de ces lieux, tout comme dans d’autres conseils, aux questions soulevées plus haut: la place du partage de la Parole dans nos communautés, la question des ministères institués… Oser, dans un climat de respect mutuel, s’écouter entre femmes et hommes, entre baptisés et ministres ordonnés, sur la question de nos missions respectives au sein du corps ecclésial.
Oui, retrouvons ensemble le souffle de la coresponsabilité baptismale attestée dans les premiers écrits de Paul et les récits évangéliques. Aujourd’hui, l’avenir institutionnel de l’Eglise, comme sa crédibilité missionnaire, dépendent de cette conversion commune!
Pour aller plus loin: Grand entretien: Catherine Chevalier et Martine Henao: "Ordonner des femmes prêtres ne suffirait pas"