Opinion – La prêtrise à la lumière de l’Evangile


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Opinion – La prêtrise à la lumière de l’Evangile
Par La rédaction
Publié le - Modifié le
4 min

Philippe Berrached est prêtre assomptionniste et aumônier d'étudiants. Il réagit à "Rendons l'Eglise au Peuple de Dieu!", livret publié en février dernier, qui remet l'existence même du clergé en question. Pour l'auteur de cette opinion, il convient de mettre fin au "bricolage" pastoral et de donner une place au charisme de chacun dans l'Eglise.

Rendons l’Église au peuple de Dieu ! Voilà le titre d’un document diffusé en Belgique. La thèse centrale est limpide : "Pour supprimer le cléricalisme il faut supprimer le clergé. Cela part d’un constat affirmant que dans des aumôneries, des lieux d’Eglise, des personnes non ordonnées, confessent, prêchent, donnent la communion, donnent l’onction des malades. La critique de l’Eglise actuelle va plus loin, en accusant le clergé d’avoir spolié la grâce de Dieu dans le septénaire sacramentel. Bref, le prêtre, voilà l’ennemi !

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A la lumière de l'Evangile

Si nous plaçons le document dans un contexte plus large, on constate que l’archevêque d’Utrecht, le cardinal Willem Eijk par lettre du 14 février, s’engageait a supprimer les célébrations dominicales sans prêtres au cours des cinq prochaines années, afin que la messe puisse “occuper la place centrale qui lui revient” mettant le prêtre au centre. Puis le Saint-Siège par rescrit vient renforcer son contrôle sur l’usage du missel de 1962. La liturgie est en Europe une question sensible.

Une première réponse est de souligner une erreur de fond de la part des auteurs du document. Ce qui le traverse, c’est l’idée que l’Eglise n’a pas su s’adapter au monde à cause de son clergé. Vatican II rappelle que les signes du temps sont jugés à la lumière de l’Evangile. L’inverse n’est pas juste, juger l’Evangile à la lumière du monde n’est pas chrétien. Il est dommage que dans ce genre de littérature on critique. On pourrait s’attendre à une analyse fine et selon l’Evangile du fonctionnement des aumôneries, des groupes de prière, des fabriques d’Eglise, des conseils pastoraux, des officialités, des évêques ! On pourrait questionner le rapport au travail, à l’autorité, à la tradition, dans la société. Car, fixer le problème sur les prêtres ressemble à un artifice pour masquer d’autres problématiques. Nous devons, à la lumière de l’Evangile, questionner l’épiscopalisation de l’Eglise, les communautés nouvelles, la sectarisation de certains groupes, le droit de et dans l’Eglise, la place de la théologie spirituelle, le rapport spiritualité/solidarité, la liste est longue.

Un hôpital de campagne

Néanmoins ce document a un mérite : celui de poser un état des lieux. Depuis longtemps, l’Eglise en Europe de l’Ouest a fonctionné au niveau pastoral sur le mode du bricolage. Dans certains milieux d’Eglise on parle de laboratoire pour mieux se mettre en valeur. Oui, dans des aumôneries de prisons, d’hôpitaux, des paroisses; des aumôniers, des prêtres bricolent des célébrations, des gestes sacramentels ... Dans d’autres lieux, les expériences du renouveau ont trouvé un second souffle dans le "tradismatique". Soyons sincères, tout le monde bricole ! D’ailleurs cela rejoint l’appel de François à ce que l’Eglise devienne un hôpital de campagne : plus plastique, plus souple, plus projetable dans le monde pour être une oasis de miséricorde.

Et si c’était la vraie question : notre bricolage ! Car, pour être un hôpital de campagne il faut cesser le bricolage et prendre au sérieux la pastorale et l’expérience spirituelle de chacun. Dans ce cas nous devrions reconnaitre liturgiquement les ministères de catéchiste, d’aumônier, de lecteur. Idem pour l’expérience sincère de tant de personnes. L’Eglise d’aujourd’hui n’a pas besoin de critiques mais de rendre plus intelligible la grâce de Dieu, qui passe par la vie sacramentelle mais pas seulement. Il y a un besoin de clarifier ce qu’est la vie spirituelle qui passe par l’altérité, dont le ministère ordonné. Il y a aussi un besoin de clarifier dans la mission la juste place de chacun selon son charisme, selon son appel, selon les compétences, selon le ministère reçu de l’Eglise.

Prendre au sérieux la mission de chacun

L’Eglise en Belgique est traversée par des soubresauts : ce document, les cours de religions, les chiffres en baissent de la pratique. Cela, nous empêche d’entendre l’appel de l’Esprit : cessons le bricolage, prenons au sérieux l’Evangile, accueillons les charismes, la miséricorde, le travail et l’expérience de chacun. C’est en prenant au sérieux la mission de chacun, comme les catéchistes, aumôniers, diacres, consacré(es) et prêtres, que l’Eglise en Belgique sera signifiante. Les jeux de pouvoir et les critiques ne font que troubler ! Ce qui est en jeu, c’est l’expérience de Dieu de tant de personnes. Autrement dit, rendons l’Evangile au monde comme peuple de Dieu où chacun à son rôle. Car, le plus grand dans la mission, c’est le destinataire de l’Evangile : l’humain.

Fr. Philippe Berrached a.a.

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