Ici ou là-bas. Hier ou demain. Car les grands incendies ne sont à leur départ que mousses et étincelles. Le dernier roman de Philippe Claudel est un huis clos intemporel et lucide.

Le décor est volontairement une esquisse: une cité à la frontière d’un empire, la vie ordinaire de sa population confinée par la neige abondante. Il y a des souvenirs – rares – de soleil, de printemps, de temps heureux.
Pour l’heure, on vient de découvrir le cadavre du prêtre. Il faut donc recourir à Nouzio, le Policier: un être petit, envieux, imbu, grossier. Tout l’opposé de l’Adjoint, grand, doux, poète, ami des animaux.
L’enquête nous entraîne dans les arcanes de la ville, de ses notables, de ses petites histoires, des liens. Le dossier traîne. Cela arrangerait les affaires de l’empire que la communauté musulmane soit déclarée coupable du meurtre.
L’excellent épisode de la chasse à l’ours à l’invitation du châtelain local nous plonge dans les alibis, la connivence, l’innocence? des personnalités locales qui découvrent les cendres de l’incendie. L’Imam et les siens seraient-ils partis? Et puisqu’ils ont laissé leurs effets et meubles, ce serait trop bête de ne pas se servir…
Autant Nouzio est sombre, autant la jeune Lémia est lumière dans ce tableau où chacun peut reconnaître les signes avant-coureurs, les enchaînements, les réactions « humaines ».
Une belle plume – Philippe Claudel est secrétaire général de l’Académie Goncourt et membre de l’Académie Royale de langue et de littérature françaises de Belgique. Un scénario qui se lit comme une enquête et interpelle chacun et chacune devant sa propre mémoire et l’Histoire. Le meurtre du prêtre était-il étincelle ou braise? Bonne lecture!
Geneviève IWEINS, Siloë Liège
Philippe CLAUDEL, « Crépuscule », Stock, 2023, 352 pages, 23,10€ – Remise de 5% sur présentation de cet article (+ frais de port).