Au terme d’un long processus d’étude et de partage mené en petits groupes, deux catholiques belges plaident pour une meilleure valorisation des femmes dans l’Eglise. Plus fondamentalement, elles remettent en cause un mode de fonctionnement centré sur la messe et le prêtre. Et développent un plaidoyer en faveur de l’altérité.

Après la dénonciation, place à la coresponsabilité? C’est en tout cas l’esprit dans lequel s’inscrit cet entretien. L’aventure commence en 2010. Dans leur livre Les pieds dans le bénitier, les Françaises Anne Soupa et Christine Pedotti dénoncent notamment les limites de la gouvernance ecclésiale et les excès du cléricalisme. Dans la foulée, une Conférence catholique des baptisé-e-s de France est créée tandis qu’une antenne belge voit le jour sous le nom des Baptisé-e-s en marche. Alors que l’élan initial se voit ralenti, les réformes entreprises par le pape François interpellent la coresponsabilité du peuple de Dieu. En 2019, un ouvrage de la théologienne française Anne-Marie Pelletier, L’Eglise, des hommes avec des femmes, relance la dynamique. Un nouveau noyau se constitue. Au final, dix-huit personnes se retrouvent – dont deux hommes – avec le désir d’approfondir la question. "On aurait aimé qu’il y ait plus d’hommes. Des prêtres aussi…" Certains membres sont très engagés dans l’Eglise, d’autres en sont éloignés.
En mars 2021, le chantier démarre. L’objectif? Il n’est pas clair. "Au début, on s’est juste dit qu’on voulait travailler ensemble", se souvient Martine Henao. "On voulait étudier le livre dans une dynamique de séminaire. On n’avait pas vraiment d’autre projet que celui-là…" Ce qui rassemble les participants, c’est sans doute moins une visée qu’un constat. "Nous étions reliés par des questions communes, au sujet de la place des femmes dans l’Eglise", détaille Catherine Chevalier.
Chaque mois, en plénière ou en sous-groupes, en zoom ou en présentiel, les personnes se retrouvent. "Nous partions d’options très différentes. Parfois, ça pouvait être assez tendu", relit Martine Henao. "Mais nous avons appris à nous écouter." En mai 2022, c’est l’heure d’un premier bilan. Certaines désirent poursuivre l’échange autour de textes bibliques. La possibilité de réaliser une série d’émissions radio se dessine aussi. A l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, deux membres du groupe entendent aussi prendre la parole dans Dimanche (lire aussi en p. 16).
Au terme de votre réflexion, diriez-vous que la place des femmes dans l’Eglise est aujourd’hui problématique?
Catherine Chevalier (CC): Oui. Et j’ajouterais que cette question est intimement liée à celle des rapports entre laïcs et ministres ordonnés. Anne-Marie Pelletier pose le même constat. Elle estime qu’il faut aller vers une redécouverte du baptême. Que c’est même la priorité!
Martine Henao (MH): A titre personnel, la place des femmes dans l’Eglise n’a jamais été mon cheval de bataille. Mais la question du masculin et du féminin m’interpelle de plus en plus car c’est un fait de société incontournable aujourd’hui. Il est donc logique qu’elle traverse aussi la réalité institutionnelle de l’Eglise catholique romaine. Au cours de nos réflexions, des déplacements se sont opérés. Paradoxalement, ce travail m’a aidée à prendre sereinement distance… tout en aiguisant mon regard. Aujourd’hui, je me dis que si l’on prend vraiment au sérieux notre baptême, nous sommes coresponsables de l’avenir de l’Eglise! Et il va bien falloir que quelque chose se passe.
Pour aller plus loin: Opinion:"En Eglise, reconnaissons l'autorité d'une parole féminine"
Propos recueillis par Vincent DELCORPS