Un film d’animation raconte le destin d’ouvriers italiens et de leurs proches à la fin du XIXe siècle. Il est réalisé et narré avec affection par un de leurs descendants.

Présenté au Festival Anima en février dernier, le film d’animation Interdit aux chiens et aux Italiens relie le destin d’une famille à la grande Histoire. Ce beau voyage débute dans les montagnes italiennes pour se clôturer en France. Il nous parle ainsi de la migration des ouvriers et de leurs proches. Mais il ne s’agit pas d’un documentaire classique. Le film se présente comme un dialogue fictif entre le réalisateur Alain Ughetto et sa grand-mère décédée, Cesira. Il nous présente ce petit bout de femme, à l’époque de sa jeunesse. Des mains apparaissent et façonnent Cesira en pâte à modeler. Puis le réalisateur commence à lui poser toutes les questions qu’il aurait aimé lui adresser du temps de son vivant. Cesira se souvient et nous plonge dans le quotidien des ouvriers italiens à la fin du XIXe siècle.
Ce film est né d’un souvenir du réalisateur. Il s’est remémoré les repas de famille durant lesquels son père lui parlait d’un village dans le Piémont, en Italie. Tous les habitants, disait-il, portaient le même nom qu’eux, Ughetto. Lorsque son père est décédé, le réalisateur est allé voir si celui-ci disait vrai. Il est arrivé à Ugheterra, la terre des Ughetto. Mais l’enquête du réalisateur a rencontré un solide obstacle. Plus personne ne pouvait témoigner de cette époque. « Les toits des maisons se sont effondrés, les arbres ont repoussé sur leur vie de charbonnier », nous dit-il en voix off.
Un récit personnel au charme indéniable
A l’écran, nous voyons une main ramassant des châtaignes, du charbon de bois, des brocolis… Des éléments récoltés dans le village par Alain Ughetto et qui serviront à construire les décors de ce film d’animation très personnel. Comme précisé plus haut, Cesira, son mari Luigi et tous les personnages ont été conçus en pâte à modeler. Cette démarche originale donne un cachet artistique à ce film. Hommage aux émigrés qui ont fui leur pays pour trouver du travail.
« Ce qui m’intéressait, c’était de remonter le cours du temps pour lier mémoire intime et évocation historique. Aujourd’hui derrière mon nom, j’ai trouvé un récit, la chronique d’une famille parmi des centaines d’autres. Pour écrire cette histoire, je me suis inspiré du réel, commente le réalisateur. Du réel de la vie d’une partie de ma famille originaire du Piémont italien. J’ai fouillé dans ma mémoire, puis dans celle de mes cousins, de mes cousines, de mes frères et sœur. Entre guerre et migration, entre naissance et décès, un récit s’est tracé. Au-delà du chagrin que procure l’histoire personnelle, j’ai découvert un parcours étonnant, raconté dans le film. »
Il nous parle en l’occurrence du quotidien dans les montagnes, où on travaille dur, sans se plaindre. La polenta, les rêves, l’entraide mais aussi les drames, la guerre, les maladies, tout cela nous est raconté par l’entremise complice de la grand-mère. Interdit aux chiens et aux Italiens a donc un côté très authentique, vrai et touchant. Avec un brin d’humour, il redonne vie à ces ouvriers et à leurs femmes. C’est aussi très doux; on sent l’affection que porte le réalisateur à sa grand-mère. Celle qui lui a transmis son héritage culturel, mélange de l’Italie et de la France.
Elise LENAERTS

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