Il y a quelques jours, les premières conclusions d’un comité d’experts sur une possible réforme de l’avortement ont été relayées dans la presse. L’Institut européen de Bioéthique s’inquiète des évolutions possibles.

« Les conclusions sont assez surprenantes ». Constance du Bus est chargée d’études à l’Institut européen de Bioéthique (IEB). Si elle n’a pas encore lu le rapport final des experts – attendu pour avril – elle a pris connaissance des principales conclusions. Plusieurs points retiennent son attention.
La prolongation du délai pour avorter. Aujourd’hui, le délai légal est de 12 semaines. A suivre la volonté des experts, il passerait à 18. « On serait donc à presque 5 mois de grossesse », observe Constance du Bus. « Cette proposition me surprend car en 2019, lors des débats sur le sujet, on avait pu observer une opposition tout de même assez massive sur le sujet, de la part du monde médical. Je m’attendais donc à davantage de prudence. »
L’allongement du délai se traduirait aussi par une évolution dans la pratique. La pilule abortive ou le curetage, possibles en début de grossesse, devraient ainsi faire place à un une embryotomie (ou avortement par morcellement). « Après 13 semaines, il n’est plus possible de faire passer le fœtus intégralement par le col de l’utérus. Il faut donc d’abord le morceler, puis le faire sortir pièce par pièce. Pour le praticien, l’impact est tout autre. Pour la femme, les conséquences physiques et le vécu sont aussi plus lourds. L’intervention se déroule d’ailleurs sous sédation pour qu’elle n’assiste pas consciemment à ce qui se passe, car c’est trop dur. C’est en tout cas ainsi que ça se déroule aux Pays-Bas. »
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La spécialisation et la banalisation de l’avortement. Le rapport des experts prévoirait la création de nouveaux établissements, spécialement dédiés à ces avortements « tardifs ». « Personnellement, cela m’interpelle », reprend la chercheuse. « Qui voudra se spécialiser dans cette pratique dont on sait qu’elle est si lourde? » Constance du Bus s’interroge aussi sur la suppression de toute sanction pénale vis-à-vis des soignants. « Les médecins n’ont-ils pas eux-mêmes besoin de balises claires, ne fût-ce que pour leur permettre de résister aux pressions d’une patiente ou d’un supérieur? »
L’absence d’alternative. « Au lieu de favoriser les avortements, pourquoi n’encourage-t-on pas les prises en charge multidisciplinaires pour ces femmes », se demande encore la chargée d’études à l’IEB. « Car en général, le problème n’est pas seulement celui de l’arrivée d’un enfant; la situation de ces femmes ou de ces familles est plus complexe. En accédant à ces demandes, on risque de passer à côté des vrais problèmes. » Constance du Bus regrette encore que les experts mettent essentiellement l’accent sur la contraception en vue de prévenir l’avortement. « Or, 18% des femmes qui ont avorté en 2021 utilisaient correctement des moyens contraceptifs », relève la chercheuse. Qui ne comprend pas davantage la suppression des obligations d’information sur les aides aux femmes enceintes et à l’adoption.
La réduction du délai de réflexion. Aujourd’hui, lorsqu’une femme veut avorter, un médecin lui impose d’attendre 6 jours entre le rendez-vous initial et l’acte en tant que tel. Les experts voudraient réduire ce délai à 48 heures. « Ce qui correspond en fait à la durée minimale pour planifier l’avortement », détaille Constance du Bus. Les experts estiment que la femme qui introduit sa demande a déjà bien réfléchi à celle-ci. « Ce n’est pas toujours le cas », nuance-t-elle. « Il y a aussi des femmes qui sont soumises à certaines pressions. Un délai de 6 jours peut les aider à les protéger de celles-ci. Pareil délai est aussi important pour les soignants. Pour les aider à prendre un certain recul. »
Vincent DELCORPS
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