Du 13 mars 2013 à aujourd'hui, quel chemin parcouru par le pape François ! L'occasion était belle de l'interroger sur ses priorités et sur ce qui le fait réagir: la démarche synodale, le soin des pauvres... Le journaliste Emmanuel Van Lierde raconte dans quelle conditions s'est faite cette interview pour Tertio et Dimanche.
Plus le sujet de conversation est sérieux, plus le pape parle doucement. Surtout quand il s'agit de la guerre en Ukraine: vous voyez alors à quel point François en est affecté. Il souffre visiblement des horreurs incessantes de la guerre en tant de lieux dans le monde. Il considère comme une défaite personnelle de ne pouvoir empêcher de nouvelles effusions de sang et que ses appels au dialogue restent sans réponse. "Au final, nous sommes tous des victimes. Par conséquent, por favor, choisissez la paix!"
"Il n'oublie pas ses amis"
Tertio avait déjà eu le privilège d'interviewer longuement le pape François le 17 novembre 2016 (voir Dimanche n°45 du 18 décembre 2016). L'occasion de cet entretien était, d'une part, le centenaire de la Première Guerre mondiale et, d'autre part, les attentats terroristes de Paris en novembre 2015 et de Bruxelles le 22 mars 2016. Six ans plus tard, il semblait opportun de demander une autre interview, cette fois à l'occasion du dixième anniversaire de pontificat de François, le 13 mars 2023. La démarche a été la même qu'il y a près de sept ans: c'est Mgr Luc Van Looy qui a transmis la demande au pape. Elle a été acceptée immédiatement. "Même en tant que pape, il n'oublie pas ses anciens amis", soulignent des intimes.
L'ancien évêque de Gand est l'un de ces amis pour lesquels les portes s'ouvrent immanquablement à Rome. Mais au-delà de cette amitié, la Belgique est proche du cœur du pape argentin. Il l'avait déjà dit en 2016 et il le répète maintenant. Lorsqu'il était supérieur provincial des jésuites en Argentine, Jorge Mario Bergoglio était également grand chancelier de leur université de Córdoba. Un cercle d'amis belges, réunis autour du jésuite et professeur wallon Jean Sonet, a soutenu le développement ultérieur de cette université catholique. Afin de remercier ces bienfaiteurs et d'entretenir des liens avec eux, Bergoglio est venu plusieurs fois en Belgique dans les années 1970, où il a aussi pu faire quelques sorties touristiques. "C'est Bruges que j'ai le plus aimé. Les œuvres d'art de Hans Memling… Impressionnantes!"
Un quart d'heure de bonus
Le nouvel entretien se tient le lundi 19 décembre 2022, deux jours après le 86e anniversaire de François et au lendemain de la victoire de l'Argentine en Coupe du monde de football. Nous saluons le pape par des doubles félicitations, avec quinze minutes d'avance sur l'horaire. Cela impliquera quinze minutes de rencontre supplémentaires, si bien que notre conversation – en espagnol – durera trois quarts d'heure au lieu de la demi-heure prévue. Nous expliquons que nous avons l'intention de faire paraître simultanément l'interview dans les hebdomadaires chrétiens Tertio et Dimanche, mais aussi dans un livre. Cela signifie donc que la publication n'est pas imminente. Ce qui inquiète le pape: "Et s'il m'arrive quelque chose entre-temps?", dit-il en fronçant les sourcils. Avant d'ajouter qu'une publication posthume lui permettrait de dire un dernier mot "de la tombe, desde la tumba". Ce trait d'esprit est révélateur de l'humour de François et caractérise l'ambiance conviviale, sans protocole ni formalisme, dans laquelle se déroule la rencontre.
✍ Emmanuel VAN LIERDE (traduction Christophe HERINCKX)
La première partie de cet entretien: "La paix, s'il vous plaît, la paix !"
et la suite publiée mercredi 1er mars: "Prenez soin de l'orphelin, de la veuve et de l'étranger, du migrant."
Pour aller plus loin: Emmanuel Van Lierde, Paus Franciscus. De conservatieve revolutionair, Davidsfonds, Antwerpen, 144 blz., 15,99€.
