C’est l’évangile de Matthieu qui est au coeur de ce 7e dimanche du Temps Ordinaire et notre commentatrice du jour nous fait part de sa réflexion à propos de celui-ci.
L’évangéliste Matthieu, notre compagnon d’année liturgique, met sur les lèvres de Jésus un de ces longs discours dont il a le secret. Pédagogue, le Christ prend le temps d’expliquer. Enseignant, il développe les contenus. Polémiste acéré face aux scribes et pharisiens, il argumente. Il fait fort, très fort dans ses prises de position et emmène ses interlocuteurs ailleurs, s’ils sont d’accord de l’écouter.
Dimanche passé, Jésus affirmait qu’il n’était pas venu abolir la Loi ou les prophètes, mais bien les accomplir (Mt 5,17), et ainsi surpasser la justice telle qu’elle est comprise et enseignée par les autorités religieuses.
Vous avez appris: littéralement « vous avez écouté ». Jésus développe avec autorité cinq prises de position et nous entendons/écoutons aujourd’hui les deux dernières.
Eh bien moi, je vous dis: Jésus prend position et s’exprime avec autorité. Le message est clair et interpellant. Dérangeant, encore aujourd’hui, même si mille fois entendu. Dépasser la riposte « œil pour œil, dent pour dent », c’est sortir de l’effet miroir. Mais ne surgit-il pas, comme un réflexe, ce geste ou cette parole en réponse à un dommage? Y a-t-il une possibilité de désarmer le mauvais, l’agresseur, en brisant la spirale de la violence?
La cinquième et dernière antithèse constitue sans nul doute le point culminant de cette diatribe. Avec une question toujours présente: est-il possible d’y parvenir? Aimer ses ennemis: non seulement le message est percutant, mais il apporte une nouveauté absolue. Inouïe. Dans la société juive, on réserve l’amour à ses proches, pas aux autres, aux étrangers. Les relations sont dominées, comme souvent, par le principe de réciprocité. Il est peut-être aussi plus facile de prier pour ses ennemis que de les aimer…
D’aucuns diront qu’ils n’ont pas d’ennemi. Mais, à y bien réfléchir, est-ce vrai? La première démarche, peut-être, consisterait à reconnaître qu’autrui puisse être notre ennemi. Autrui ne représente pas quelqu’un de lointain géographiquement, c’est aussi un proche, parfois très proche.
De quel amour s’agit-il ici? L’amour-agapè, qui n’est ni l’attrait amoureux (éros), ni l’affection (philia). Un amour marqué par l’estime et la bienveillance. Est-il possible envers quelqu’un qui m’a blessé, qui me fait souffrir?
Le dépassement fait quitter la réciprocité pour s’ouvrir à l’universalisme. Telle est la position divine: votre Père du ciel fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons. Cet évangile est-il audible? Il questionne en tout cas notre manière de vivre la justice au quotidien, dans nos relations. Est-il de l’ordre du possible ou nous indique-t-il un idéal lointain? La conclusion (provisoire) de Matthieu 5, ouvre une perspective. En effet, Jésus dit: vous serez parfaits comme votre Père céleste est parfait. C’est un constat qu’il fait, affirmant ainsi que ses disciples en sont capables, il y croit. Le futur indique un devenir: cela ne se réalise pas en un instant, mais c’est le fruit d’un cheminement. Avec en mémoire heureuse, la première béatitude comme guide: « Heureux les pauvres qui mendient le Souffle » (Mt 5,3). Sans lui, que pourrions-nous faire? Avec lui, avançons à l’orée du Carême.
Marie-Thérèse HAUTIER