L’état d’Israël lui avait décerné la médaille des Justes, les Namurois ont donné son nom à une place et le diocèse de Namur voudrait que soit béatifié l’abbé Joseph André, mort en 1973. Appel est lancé à ceux et celles qui auraient connu de près ou de loin cet homme entièrement dévoué aux précarisés et aux exilés.

« J’étais sans asile et vous m’avez accueilli ; mal vêtu et vous m’avez couvert ; malade et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venu à moi » (Mat, 25-36). Cette citation de saint Mathieu, l’abbé André l’avait profondément fait sienne. Il n’était pas un prêtre « pareil à beaucoup d’autres, mais qui, face à des événements exceptionnels, se serait brusquement surpassé <…> De nombreux témoins attestent que toute l’existence de cet homme fut placée sous le signe de la continuité spirituelle et de l’opiniâtreté ».
👉 A relire aussi sur Cathobel : Une Américaine d’origine juive sur les pas de l’abbé Joseph André
Né le 14 mars 1908 sur les bords de la Meuse, à Jambes, Joseph André perd sa maman très jeune à la naissance du huitième enfant de la famille. De santé fragile, il affiche cependant dès l’enfance le souci qui allait être celui de toute sa vie, « l’abstraction totale de soi au profit des autres ». Ses condisciples gardent de lui l’image d’un garçon extrêmement frêle qui tentait de passer inaperçu avec pourtant, un « visage qu’on n’oublie pas <…> il incarnait la bonté évangélique » se souvient Paul Bribosia, ancien président du tribunal de Namur.

Une âme forte dans un corps fragile
À 18 ans, il entre dans la Compagnie de Jésus. Une plaie au poumon le contraint à interrompre ce noviciat pour une longue convalescence au terme de laquelle il s’oriente vers le séminaire diocésain. Il y est connu « comme un garçon timide, doux, pieux mais qui, lorsqu’il voulait quelque chose, savait l’obtenir <…> étonnant mélange d’audace, de candeur et de ténacité <…> contraste entre la fragilité du corps et la force de l’âme…«
Quelques semaines après son ordination, en 1936, l’abbé André est nommé professeur de septième préparatoire à Floreffe puis vicaire dans le quartier populaire de Saint-Jean Baptiste à Namur. Il s’y investit totalement, donnant tout ce qu’il possède et ne gardant pour lui que le strict nécessaire. La rumeur raconte qu’il allait nu pieds dans ses chaussures éculées ayant donné ses paires de chaussettes tricotées par sa sœur aux pauvres qu’il visitait.
Sauveur des Juifs
En 1942, la chasse aux juifs s’organise dans notre pays. L’abbé commence par placer dans des établissements religieux des juifs, rencontrés lors de ses tournées de paroissiens. Puis vient le tour des amis de ceux-ci. Son œuvre était née : « il s’en remis à Dieu pour trouver la force intérieure dont il avait besoin, puis il marcha humblement dans la direction qu’il avait choisie, en faisant preuve d’une obstination que rien – même la menace permanente de la torture et de la mort – ne fera fléchir ».
Il s’organise et établit des contacts avec le Comité de Défense des Juifs. Il accueille à la Maison des œuvres de la paroisse, située place de l’Ange (juste à côté de la Kommandantur), des centaines d’enfants juifs destinés à la déportation. Ils y restaient le temps nécessaire pour trouver des papiers et les envoyer vers des caches plus sûres à la campagne. L’abbé aidait également de nombreux adultes qu’il faisait engager dans des entreprises sous des noms d’emprunt.
Après la victoire, la plupart de « ses » enfants gagnèrent l’étranger, le Canada, les États-Unis et Israël, pays dont le gouvernement l’invita officiellement en 1967. Il y reçut, des mains du président, la plus haute distinction israélienne, la Médaille des Justes et on planta un arbre portant son nom dans l’Allée des Justes. De même, les associations juives d’Amérique l’invitèrent à son tour. S’il accepta ces invitations, que son aversion des honneurs et sa volonté de vivre au présent l’invitaient à décliner, ce fut pour continuer le rapprochement judéo-chrétien en actes… et pour retrouver ses anciens protégés.
Il a donné tout son cœur aux plus pauvres
À partir de 1957 et jusqu’au jour où on le retrouva mort dans son bureau, l’abbé André fut aumônier de la prison de Namur. La place ‘abbé Joseph André’, juste en face de la prison, en garde le souvenir vivant.
Cette nomination lui permit de vivre pleinement le message évangélique de pauvreté et de fraternité. Il attendait les nouveaux arrivés dans la cour et parlait avec eux avec la plus grande gentillesse pour adoucir l’épreuve. Il se rendait ensuite en cellule et auprès de leurs familles pour les soutenir ou pour préparer les retours à domicile. Il visitait également les chefs d’entreprises pour faciliter les réintégrations.
À côté de cette mission, il décide de créer une maison d’accueil, « Le Foyer Notre-Dame de Sion » au château de l’horloge de Bomel, pour les étrangers qui n’arrivaient pas à s’intégrer ; notamment des réfugiés hongrois suite aux événements de Budapest en 1956. Avec une équipe de bénévoles, il propose le gîte et le couvert ainsi que l’assistance sociale, morale et religieuse. Il accueillait chacun. « Ne jugeons pas », avait-il coutume de répéter.
Responsable de sa communauté, l’abbé n’allait jamais se coucher avant que le dernier ne soit rentré. Parfois abusé ou maltraité par ces pensionnaires, il ne porta jamais plainte comme il ne se plaignait pas du mal qui lui rongeait le cœur depuis quelques années déjà et qu’il ne trouvait pas le temps de soigner. Jusqu’à ce qu’un matin, absent de la messe de 7h à la prison, on le retrouve mort. Un infarctus l’aurait foudroyé durant la nuit dans son bureau de la prison où il se reposait quelques heures sur un lit d’appoint.
Ses funérailles réunirent des juifs, des musulmans, des chrétiens, des mandataires publics et des vagabonds. Ce « pèlerin de l’impossible » rassembla des croyants de toutes les religions, des agnostiques de bonne volonté et des athées pensant comme lui qu’il y a en l’homme plus de choses à admirer qu’à mépriser.
Christine Gosselin
Les témoignages sur l’œuvre ou la personne de l’abbé Joseph André peuvent aider à la cause de sa béatfication. Contact : abbé Bruno Jacobs bjacobs@proximus.be – Tél. 0479 80 13 69.
Titre et intertitres sont de la rédaction de Cathobel