Comment voir le renoncement? Pas facile… et en ce dimanche, c’est l’abbé Benoît Lobet qui nous aidera à comprendre ce renoncement:
Renoncer à tout, préférer Dieu et Jésus: les paroles évangéliques proclamées ce dimanche ont de quoi faire frémir. Renoncer à tout, à tous ses biens et à ses attachements familiaux les plus sacrés, cela est-il raisonnable? Ou seulement possible? Jésus s’adresse à de grandes foules, celles d’hier comme celles d’aujourd’hui facilement séduites par son charisme et qui voudraient partager sa vie et sa destinée, dans l’ici-bas et pour l’éternité. Il prévient: pas moyen de le suivre à moitié. Pour marcher à sa suite, il faut un cœur léger, désencombré de tout – travail de toute une vie, exercice (« ascèse », dit le grec) d’une existence entière que cet apprentissage-là, qui nous oblige à revoir nos hiérarchies et nos priorités dans tant et tant de circonstances. Qui nous oblige à nous asseoir au lieu de nous laisser emporter par des enthousiasmes précipités: saurons-nous bâtir la tour? Saurons-nous combattre l’ennemi? Où sont nos vrais moyens? Quelles sont nos forces véritables? Et, finalement, pour quoi et pour qui vivons-nous ce bref passage sur la terre? Qu’est-ce qui compte vraiment et en définitive? Oui, nécessité de s’asseoir…
Dans cette invitation au renoncement, nulle menace toutefois. Mais au contraire la promesse d’une liberté inédite, inouïe, à la mesure du choix radical qu’il faut opérer. Hiérarchiser ses attachements, en effet, pour se consacrer à l’essentiel, c’est apprendre la liberté, la vraie. Non pas, évidemment, la licence de faire ce qu’on veut, quand on veut et si on veut: cette attitude n’est qu’une aliénation, une soumission à ses instincts et à ses désirs. Elle n’a de liberté que le nom. Mais, après mûre réflexion, vivre en cohérence avec ses choix, les assumer jusqu’au bout, surtout s’il s’agit de l’essentiel – vivre avec et pour le Christ, passer avec lui de ce monde au Père – oui, voilà la liberté qui s’ouvre au chrétien.
Cela s’accompagne d’une exigence, encore: prendre sa croix chaque jour. Chaque jour, assumer sa part d’ombre, traverser le doute et la peur nécessairement liés à l’aventure spirituelle, ne pas fuir la contradiction, avancer sans trembler devant les incompréhensions de l’entourage et même quelquefois devant ses persécutions – voilà encore à quoi nous prépare la récollection solitaire où, à la lumière de l’Esprit, on fait le point sur nos propres forces.
A ces conditions, le christianisme est et demeure, aujourd’hui comme hier, ce que les Anciens appelaient « la Voie », un chemin de libération intérieure, d’épanouissement, de cohérence et de bonheur. Et les paroles de Jésus entendues dans la page d’évangile lue ce dimanche, pour exigeantes qu’elles soient, résonnent cependant à nos oreilles non pas comme une menace, mais comme une promesse.
Abbé Benoît LOBET