Alors que durant des longues décennies, on avait l'impression que la mission ne s'effectuait que dans un seul sens, de l'Europe à l'Afrique, un constat favorisé par la présence de centaines de religieux belges sur sol congolais durant la période coloniale. Aujourd'hui, la Bonne Nouvelle se proclame plus facilement d'un continent à l'autre, donnant lieu à un meilleur équilibre mondial dont tout le monde, missionnaires comme paroisses locales, ressort grandi et enrichi.
Bientôt octobre, mois de la mission! Et aussitôt nous viennent en tête les images de ces missionnaires d’un autre temps. Pour nous, Belges, difficile de ne pas penser au Congo. A ces centaines de religieux qui, Outre-Mer, proclamèrent la Bonne Nouvelle au cours de longues décennies.
Et aujourd’hui? On a parfois l’impression que les réalités se sont inversées. N’a-t-on pas vu, ces dernières années, de nombreux prêtres "venus d’ailleurs" arriver dans nos paroisses? Ils viennent pallier la réduction du nombre de prêtres belges. Ils viennent aussi apporter un enthousiasme, un feu, qui nous manque parfois un peu.
Il ne faudrait pas oublier cependant que de nombreux prêtres et religieux belges (et, plus largement, européens) demeurent engagés sur les autres continents – et notamment en Afrique. Cette semaine, c’est leur engagement que Dimanche souhaite mettre en avant.
V.D.
"Ils sont des Evangiles vivants"
C’est au Burkina Faso qu’André, Marek, Jacques et tant d’autres ont décidé de s’engager. Pourquoi ont-ils ainsi décidé de s’exiler? Et comment sont-ils perçus dans leur pays d’adoption? Témoignages.

De nationalité italienne, le père André vit au Burkina Faso depuis une cinquantaine d’années. Agé de 85 ans, ce religieux rattaché à l’ordre de saint Camille réside à la paroisse éponyme de Ouagadougou. "Au début, j’étais formateur au juvénat, ensuite, j’ai été aumônier des prisonniers pendant un certain nombre d’années. Aujourd’hui, je suis confesseur. Et le Burkina Faso est devenu mon pays car je suis plus connu ici que dans mon pays d’origine", sourit-il.
Le père Marek Marszalek, lui, est un rédemptoriste polonais. A 60 ans, il a déjà passé trente-deux ans de sa vie au "pays des hommes intègres" (signification des mots "Burkina Faso"). L’histoire du père Marek avec l’Afrique remonte à son enfance. "J’avais fait un rêve dans lequel j’étais sous un baobab avec des enfants noirs auxquels je prêchais l’évangile". Bien plus tard, devenu séminariste, il rencontre des missionnaires rédemptoristes venus d’Afrique. Leur vie de simplicité le touche et l’encourage à les suivre. Nous sommes alors en 1990, Marek est encore diacre. Il commencera sa mission à l’Est du Burkina. Depuis 2014, il est curé de la paroisse Notre-Dame du Perpétuel Secours de Kossodo, une paroisse confiée aux rédemptoristes. Maîtrisant parfaitement la langue locale, le Mooré, ses paroissiens l’ont surnommé "Le bâtisseur d’église". Un signe de reconnaissance pour les efforts qu’il a entrepris en vue de construire de nouvelles paroisses.
6.333 Pères blancs

Au Burkina Faso, les religieux provenant d’Europe ou du Canada occupent encore une place de choix dans les communautés locales – et dans le cœur des gens. Combien sont-ils? Il est difficile de le savoir. Un indice toutefois: depuis 1868 et les débuts de la présence de la société des Missionnaires d’Afrique, 6.333 "pères blancs" ont vécu sur le continent africain.
Le père Jacques Poirier est précisément rattaché à cette communauté. De nationalité canadienne, il a d’abord séjourné au Burundi durant sept ans, puis en Côte d’Ivoire durant onze ans. Il est arrivé au Burkina Faso en 1996. Il y a d’abord accompagné des jeunes qui désiraient se joindre aux Missionnaires d’Afrique. Puis il quitte le Burkina pour passer six ans et demi à Rome en tant que rédacteur d’un magazine et six ans comme secrétaire de la province des Amériques. A 74 ans, il s’apprête à fêter son jubilé des 50 ans de sacerdoce. "En 2021, j’ai demandé à revenir au Burkina Faso où je travaille actuellement comme vicaire à la paroisse Saint-Jean XXIII", explique-t-il.
A côté des religieux, il y a naturellement aussi des religieuses! Comme les sœurs Madeleine Lemoine et Angèle Fougère. La première a vécu dans plusieurs paroisses du diocèse de Fada, où elle veillait au bien-être des enfants orphelins et démunis. La seconde, infirmière, a donné sa vie pour les malades de la paroisse de Salembaoré, village situé à l’Est du pays à trois cents kilomètres de la capitale.
"Je suis le fruit de leur éducation"

Mais que pensent les Africains de la présence de ces missionnaires qui ont à leur tour suscité des vocations? Daramkoum Emmanuel, enseignant et aîné du mouvement de la jeunesse étudiante catholique (JEC), se montre enthousiaste: "Ils nous ont apporté l’évangile, ils ont construit des écoles et des hôpitaux. Ils sont aussi des évangiles vivants. Je pense que ce que les missionnaires européens ont réalisé dans notre continent est énorme et apprécié."
Pour Marie Daniella, "ce sont des hommes et des femmes qui ont propulsé une dynamique de développement dans plusieurs secteurs, notamment l’éducation. Personnellement, je suis le fruit de leur éducation".
Entrepreneur en téléphonie mobile, François Beogo atteste quant à lui être un fils spirituel des religieuses de sa paroisse. "Notre papa est tombé malade, notre maman était également vulnérable. Alors que nous étions sept enfants, ce sont les sœurs blanches qui nous ont nourris, scolarisés et soignés", exprime-t-il, plein de reconnaissance. "Aujourd’hui, je travaille, mais à chaque moment de ma vie, je ne cesse de penser à ces religieuses, et je prie pour elles."
Pour Samboe Edouard, journaliste spécialiste des questions religieuses, la présence des missionnaires reste importante. "Je loue leur courage et leur détermination. Certains d’entre eux ont perdu la vie pour que l’Evangile puisse germer dans les cœurs des Africains. Je pense à leurs âmes. Nous sommes fiers car ils ont beaucoup fait pour l’Afrique."
Gérard BEOGO, à Ouagadougou