C'est ce lundi de Pentecôte, 6 juin 2022, que le diocèse de Liège a rendu publics les résultats de l'enquête synodale lancée par le pape François. Les attentes sont nombreuses mais les fidèles liégeois aiment leur Eglise où la place des femmes et des laïcs doit être mieux valorisée et reconnue à l'avenir.

232 questionnaires, plus de 700 pages, pour identifier deux grandes maladies dont souffre l'Eglise : la place des femmes et la mentalité et les comportements cléricaux. Les fidèles liégeois ont pris connaissance ce lundi 6 juin des conclusions de l'enquête synodale pour leur diocèse.
Après les crises, l'espoir vit toujours
On le sait, personne n'oserait le nier, l'Eglise traverse des temps difficiles. Et pourtant, "les gens ont un amour pour l'Eglise et beaucoup d'espoir", affirme Henri Deroitte, professeur de théologie à l'UCLouvain. Il était chargé de présenter les conclusions de l'enquête synodale diocésaine liégeoise devant une belle assistance rassemblée en la cathédrale Saint Paul.
La demande du pape de consulter "la base" dans une démarche synodale a donc été bien accueillie dans le diocèse, analyse tout d'abord Henri Deroitte. Visiblement, "le sujet intéresse". "On sent que l'Eglise est fragilisée, qu'elle a besoin de réfléchir à un renouveau pastoral, l'Eglise est cabossée mais on l'aime et on croit encore en sa mission" ajoute le théologien. Un avenir est donc possible, mais la parole de l'Eglise devra être plus signifiante et plus accessible.
Où sont les femmes ?
Une première demande très récurrente concerne une meilleure valorisation et reconnaissance de la place des femmes dans l'Eglise. A long terme, les fidèles, pour une part, voudraient les voir accéder à des ministères ordonnés. A plus court terme, elles pourraient se voir confier des ministères institués et pourraient être mieux impliquées dans l'animation et la prise de décision.
En ce qui concerne les interpellations retenues, trois volets ont été identifiés: la formation, la liturgie et la proximité.
Formation, liturgie, proximité
"Les fidèles ont exprimer leur besoin de formation que ce soit concernant l'esprit synodal, la parole de Dieu (lectio divina) mais aussi la complémentarité des charismes" précise Henri Deroitte. Les répondants souhaitent donc plus de formation pour mieux comprendre les tenants et aboutissants de l'esprit synodal. Ils sont également demandeurs de petits groupes de formation biblique pour approfondir la parole divine.
Sur le plan de la liturgie, ils attendent une redynamisation par la qualité des homélies, de la préparation et de l'animation des célébrations, avec peut-être une plus grande place pour la créativité. Enfin, à l'intérieur des Unités Pastorales constituées depuis quelques années, les fidèles imaginent de recréer une plus grande proximité fraternelle dans les familles, les quartiers, ... Mgr Delville a d'ailleurs évoqué une pastorale de la visite et de la proximité. (voir plus bas)
La synodalité, démarche audacieuse et extraordinaire
De ces réponses, il ressort donc une certaine gravité, reconnait Henri Deroitte, "il est temps de faire quelque chose", mais, malgré les crises traversées et une certaine fragilité, l'espoir et l'envie sont toujours bien présents.
Ce prochain synode sera aussi l'occasion de remettre en avant, à côté de la dimension pastorale, la dimension spirituelle de l'Eglise, en revenant à l'essentiel, au cœur, à une certaine forme d'humilité aussi, ont demandé les répondants.
Pour Henri Deroitte, l'initiative du pape François est audacieuse. "En invitant tous ceux qui le veulent à s'exprimer, on accepte la surprise, et surtout de ne pas sélectionner les réponses qui nous conviennent, cette démarche comporte dès lors un risque, mais la synodalité, c'est quelque chose d'extraordinaire, de très contemporain et porteur, se mettre à l'écoute de ceux qui ont rarement la parole en Eglise, et cette méthode permettra aussi de retravailler des grands thèmes comme l'appel."
Enfin, les fidèles ont exprimé aussi une certaine gratitude d'avoir ainsi été consultés mais attendent donc de leur Eglise qu'elle assume sa responsabilité et que le résultat de cette vaste consultation ne reste pas lettre morte.
Le diocèse de Liège, précurseur de la synodalité?
"Dans les réponses au questionnaire, on note beaucoup d’insatisfaction sur le cléricalisme de certains prêtres, la distance de l’institution, le peu de place pour les femmes, le manque de formation des chrétiens ; et j’ajouterai : la mauvaise circulation de l’information." Mgr Delville a également pris la parole pour réagir aux conclusions de l'enquête synodale.
Des femmes et des personnes homosexuelles aux commandes
Pour commencer, l'évêque liégeois a souhaité mettre en avant les avancées synodales déjà réalisées dans son diocèse "qui méritent donc d’être mieux connues". Mgr Delville porte alors à la connaissance de l'assemblée que plusieurs femmes font partie du Conseil épiscopal, soit la plus haute instance gouvernementale du diocèse; aussi plusieurs femmes occupent des responsabilités importantes au sein de la Curie diocésaine et dirigent des Unités pastorales en qualité de coordinatrices. Toutefois, ajoute-il, "Il est évident que ce rééquilibrage est appelé à s’étendre et s’approfondir."

Concernant les personnes homosexuelles, "je fais le même constat de carence d’information" souligne l'évêque qui rappelle l'existence d'un document sur l’accueil des couples homosexuels. Et informe également l'assemblée que des personnes ouvertement homosexuelles occupent des responsabilités diocésaines ou sur le terrain. "Ce n’est pas parfait" admet-il néanmoins.
Plus de responsabilités aux laïcs
Enfin, concernant la critique d'une église trop hiérarchique, Mgr Deville cite quelques-unes des instances synodales – bien imparfaites, mais non point réelles – déjà présentes dans le diocèse dont les équipes pastorales et les « attachés du chantier paroisse », souvent des laïcs, qui font le lien entre les Unités pastorales et le diocèse ; ou encore le nouveau vicariat créé pour accompagner les acteurs pastoraux.
Mgr Delville conclut cette première partie de son intervention en évoquant la possibilité de créer un Conseil pastoral diocésain, constitué essentiellement de laïcs.
Pour en finir avec le cléricalisme
Ensuite, l'évêque de Liège remarque "qu’une culture cléricale existe encore dans le diocèse, tant dans le chef de certains prêtres que de laïcs devenus plus cléricaux que les curés d’antan". Il propose entre autres, pour y remédier, de renforcer une politique du mandat, qui fait en sorte que personne ne se sent propriétaire d’une mission.
Des fidèles mieux formés
Le document de synthèse de la démarche synodale met en avant le besoin de formations à la lecture de la Parole de Dieu. Et les initiatives diocésaines pourraient être développées en ce sens, affirme l'évêque. Les nouveaux ministères de lecteur (la Parole), acolyte (la liturgie) et catéchiste (la transmission de la foi) se doivent d’être pensés et instaurés dans un tel contexte, estime-t-il.
Une pastorale de la visite
"On sent le besoin d’une pastorale de la visite et d’une plus grande proximité locale" souligne encore Mgr Delville. "Il faut donc favoriser la proximité, l’accueil, les périphéries, les diversités". Notamment en soignant, avant et après les célébrations, l’accueil, par le prêtre et par des laïcs. Il faut également tabler sur une plus grande diversité des ministères et promouvoir les vocations diverses : au presbytérat, au diaconat, à la vie religieuse ou consacrée.
Sophie DELHALLE
Consulter le rapport de synthèse de la démarche synodale dans le diocèse de Liège