Que de questions en ce dimanche du Saint-Sacrement, pour les disciples de Jésus... Mais celui-ci aura une réponse surprenante et l'abbé Hannosset nous en fait part à travers son commentaire de l'évangile du jour...
Même si Jésus nous a annoncé de bonnes nouvelles; même s’il nous a guéris, le jour commence à baisser. Tant d’événements en nous-mêmes et dans notre monde sont comme un crépuscule: oui, il fait encore jour, mais les ténèbres sont toutes proches, qui pourraient nous faire sombrer en désespérance.
On comprend que les Douze se sentent bien impuissants, eux qui, comme la foule sont dans un endroit désert. Et peut-être constatent-ils que Jésus lui-même est dans ce désert! Alors que devons-nous faire? Ne vaut-il pas mieux les laisser à leur sort, à leur triste sort, plutôt que d’aggraver encore davantage le nôtre? Comment l’Eglise d’aujourd’hui, ballottée par tant de scandales, pourrait-elle encore donner de la lumière et de la vie, quand vient le crépuscule au cœur du désert? La tentation pourrait être d’aller acheter de la nourriture ailleurs pour les nourrir. N’y a-t-il pas tant de produits sur les étals spirituels du monde qui pourraient rassasier bien mieux que nous?
Voilà que la réponse de Jésus peut surprendre: "A vous d’agir!" Voilà que Jésus qui est le Pain de la Vie nous invite à devenir à notre tour Pain de Vie pour les autres. C’est bien tout le Peuple de Dieu qui célèbre l’Eucharistie; c’est tout le Peuple de Dieu qui "devient ce qu’il reçoit: le Corps du Christ". Nous sommes un même Corps; il est la tête et nous sommes les membres… mais nous ne sommes qu’un! C’est le grand mystère que nous célébrons ce dimanche. Dieu aurait pu être Pain "tout seul", sans que l’eucharistie ne doive être célébrée; mais il veut passer par nos "petits pains", par nos "petites messes" sans grand monde parfois, par nos communautés souvent vieillissantes, pour devenir Pain au cœur des déserts de nos vies et du monde. Il a choisi de vivre cette humilité absolue qui est de ne rien vouloir faire sans nous, sans notre contribution si petite soit-elle. Et il nous assure que tous mangèrent et qu’il en resta ! Heureuses paroisses occidentales qui découvrent que leur petit nombre, leur moyenne d’âge, leurs difficultés spirituelles et matérielles n’empêcheront jamais le Seigneur de se donner en nourriture. Le croyons-nous assez? Cette fête nous redit que l’impossible est possible puisque Dieu est Dieu, puisque Jésus l’a dit, puisque Jésus l’a fait. Cette fête nous redit qu'il est grand temps de ne plus nous regarder en nous désespérant, mais de le regarder en nous émerveillant. Merci à toi, Julienne qui a découvert cela dans ton petit couvent de Cornillon. Voilà bien le sens de l’adoration eucharistique qui peut prolonger la célébration: "Apprends-moi, Seigneur, à te regarder tout simplement et à me laisser regarder par toi; alors je découvrirai qu’avec toi je peux sauver le monde." Quelle est belle la parole du paroissien d’Ars: "Je l’avise et il m’avise"!
Abbé Pierre Hannosset