Dans le film Les goûts et les couleurs, une jeune artiste parisienne doit composer avec un jeune provincial, aux valeurs opposées aux siennes, afin de pouvoir enregistrer son premier album.

Dans un appartement parisien où règne un désordre sans nom, Marcia, une jeune chanteuse, fait écouter avec un air soucieux sa nouvelle composition à son idole, Dardejane. Alors qu’elle vit recluse depuis des années, la vieille chanteuse a accepté de prendre sous son aile la jeune artiste. Leurs gestes, leurs petites remarques piquantes, témoignent d’une belle complicité construite autour de cette passion commune pour la chanson. Ce bref instant de tendresse est bien vite balayé par le tempérament impétueux de la vieille dame. Il est tard, Marcia rentre sur la péniche où elle vit, en plein cœur de Paris. Elle ne reverra jamais son amie qui décède brutalement la même nuit.
Profondément affectée par la perte de son amie, Marcia fait face à un autre problème. Elle avait commencé à enregistrer un album avec Dardejane, mais sans signer de contrat. Pour pouvoir sortir cet opus, elle faut qu’elle obtienne l’accord de son ayant-droit, Anthony. Malheureusement, le jeune homme n’a aucune envie de l’aider car il ne s’entendait pas avec sa lointaine parente. Marcia va donc devoir faire preuve de patience pour le convaincre du bien-fondé de sa demande.
L’incompréhension, source de discorde
Les goûts et les couleurs de Michel Leclerc (Le nom des gens) développe les thématiques chères à son auteur. La lutte des classes et la rencontre de deux mondes en apparence opposés sont en effet au cœur de ce film à la fois tendre et relevé. La jeune Marcia, artiste bohème parisienne, engagée dans diverses luttes (féministe, écologique, humanitaire) se heurte au monde provincial « mal dégrossi » d’Anthony. En clair, elle le prend pour un plouc, tandis que lui la voit comme une pimbêche. Dès leur première rencontre ça semble évident qu’ils ne sont pas faits pour s’entendre, ni se comprendre. Leurs valeurs, leurs modes de vie sont inconciliables. A moins que…
On sent poindre des ouvertures, des éléments qui laissent présager une possible conciliation. Les goûts et les couleurs est construit sur le principe simple des deux mondes qui se heurtent mais finissent par trouver un terrain d’entente. Marcia et Anthony s’enrichissent de leurs discussions parfois houleuses. Ils dépassent leurs a priori en se côtoyant. Ils apprennent à respecter les valeurs de l’autre en les comprenant. Au-delà de cet aspect humain et intime, Michel Leclerc croque également avec beaucoup de justesse les stéréotypes qui collent aux classes sociales.
Le réalisateur français ne prend d’ailleurs parti pour aucune des deux. Les intellectuels supposés ouverts d’esprit s’avèrent ainsi assez fermés à ce qu’ils considèrent comme bête ou futile. Avec légèreté, il prend un malin plaisir à dévoiler les petits travers de notre société. Ceux des humains aussi, et leur tendance à s’enfermer dans des groupes. Il saisit, enfin, le monde de la culture, de la musique plus précisément. Grand mélomane, il a d’ailleurs composé toutes les chansons qu’on entend dans le film. Un beau travail, complet, sur l’héritage et la déconstruction des clivages.
Elise LENAERTS

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