Le week-end du 29 au 31 juillet, le nouveau collectif chrétien "Bâtir le Bien Commun" organise sa première université d'été à Quartier Gallet (Beauraing). Un temps de formation et de fraternité inédit, avec pour mot d'ordre: penser une critique du capitalisme dans une perspective chrétienne.
"Alors que la pauvreté augmente et que les inégalités grandissent, que peuvent faire les chrétiens pour œuvrer au bien commun?", c'est la question qui a poussé un groupe de jeunes doctorants, serviteurs de l'Eglise et travailleurs investis dans la transition écologique et sociale à se réunir au sein d'un collectif de pensée et d'action tout logiquement intitulé "Bâtir le Bien Commun". Référence à peine voilée à la mise en commun des biens dans les Actes des Apôtres: "Tous les croyants vivaient ensemble et ils avaient tout en commun" [Ac 2, 44].
Leur premier fait d'armes: l'organisation d'une université d'été chrétienne en Belgique autour des enjeux de justice sociale. Celle-ci prendra place durant le dernier week-end de juillet à Quartier Gallet, lieu de retraite dans l’esprit de la Communion de la Viale situé près de Beauraing.
L'université d'été se donne deux objectifs majeurs
Destiné à tous les chrétiens et humanistes, de tous horizons et tout âge, partageant la même quête de justice sociale, ce temps de formation et de fraternité poursuivra deux objectifs principaux:
1) Proposer une formation intellectuelle sur le thème «christianisme et justice sociale»
Et ce, afin que les participants puissent, à l'avenir, affronter conceptuellement les questions suivantes : qu'est ce que le capitalisme ? quels facteurs entretiennent aujourd'hui les inégalités matérielles ? dans quelle mesure la pensée chrétienne porte-t-elle en son sein des éléments critiques à l'égard de ce système ? ...
Le souhait de Jean-Baptiste Ghins, co-organisateur de cette université d'été, est que, à la fin, "à travers les multiples tables rondes, conférences et temps de partage avec les conférenciers, le participant puisse établir un diagnostic sur le capitalisme, saisir les problèmes structurels et les dérives sous-jacents à ce système et concevoir des pistes de réflexion à partir de son cheminement personnel dans la foi chrétienne. Dans l'espoir, in fine, de provoquer un changement de système ou, du moins, en atténuer ses effets néfastes".
Plusieurs conférenciers
Le programme complet de l'évènement est amené à paraitre dans les prochains jours. Mais ont déjà été dévoilés les noms de certains conférenciers tels que Anne Waeles, philosophe membre d'Anastasis (collectif de réflexion et d'action politique convaincu de la force révolutionnaire de l’Évangile) et co-autrice de La Communion qui vient, Timothée de Rauglaudre, journaliste indépendant spécialiste du néolibéralisme et des questions religieuses ou encore Jean-Christophe Defraigne, spécialiste du capitalisme et de ses mutations et professeur à l'université Saint-Louis de Bruxelles.
"Toutes ces conférences auront pour but de nous aider à penser le capitalisme dans une perspective chrétienne" poursuit Jean-Baptiste Ghins. Pour le jeune doctorant en philosophie, vouloir imbriquer le capitalisme et christianisme, deux univers diamétralement différents, dans un même processus de réflexion n'est pas une illusion perdue : "la pensée chrétienne porte en son sein des éléments critiques à l’égard du capitalisme".
Profit VS Partage
Et il le démontre : "Alors que l'éthique inhérente au capitalisme consiste à gagner de l'argent, devenir propriétaire, accumuler, bref se réaliser et s'accomplir soi-même par l'intermédiaire de la part qu'on arrive à arracher au monde ; l'éthique chrétienne, quant à elle, s'opère dans le dénuement, l'acceptation du don de Dieu, l'idée évangélique du partage, ... Dans un système capitaliste, tout tourne autour d'accumulation, de propriété privée, de profit ; dans l'Evangile, il y a au contraire l'idée que le chrétien découvre sa puissance d'humanité dans sa petitesse".
2) Initier des conversations collectives et pérennes autour des problèmes que l’Eglise catholique traverse actuellement.
Si Jean-Baptiste Ghins et ses camarades de "Batir pour le Bien Commun" se revendiquent d'un ancrage politique dit "de gauche" - "bien que pointer du doigt les excès du capitalisme et réclamer une alternative à ce système ne font pas automatiquement de vous un communiste" rappelle-t-il - ils affichent également haut et fort leur sensibilité chrétienne.
"Plusieurs religieux ont nourri mon cheminement personnel et sont pour moi des véritables sources d'inspiration" note le co-organisateur de l'université d'été. Je pense notamment aux prêtres ouvriers, à l'abbé Pierre, la première figure qui m'a interpellé sur les enjeux de pauvreté, au pape François, qui milite activement pour l'accueil des réfugiés et dont l'encyclique Laudato Si' a été le déclencheur d'une véritable transition écologique et sociale au sein de l'Eglise."
Paulo Freire, le pédagogue
Enfin, Jean-Baptiste Ghins dit se nourrir énormément de l'oeuvre et de la vie de Paulo Freire, un pédagogue brésilien, catholique et marxiste, auteur de la "pédagogie des opprimés" qui a mis en lumière les limites du système capitaliste, notamment la confiscation de l'intellectuel par la classe bourgeoise. "Paulo Freire nous explique que puisque la classe bourgeoise dispose de nombreux droits et privilèges, elle n'a aucun intérêt à mettre l'intellectuel au service d'un changement de paradigme dans la société. Donc rien ne bouge."
Pour notre doctorant, ce diagnostic interpellant s'applique également à certains égards à l'Eglise catholique : "On assiste à un phénomène de déconnexion entre l'Eglise et les milieux ouvriers, populaires et les populations précarisées. Originellement, la souffrance a une place primordiale dans la théologie chrétienne. Or, aujourd'hui, beaucoup de catholiques, du fait de leur appartenance à un milieu privilégié, ne souffrent plus dans leur corps et n'ont plus intérêt à ce que le système global change".
Une Eglise à réformer
Avant de se lancer dans une réforme en profondeur de la société, il convient dans un premier temps de réformer l'Eglise catholique dans ce qu'elle a de néfaste. Les organisateurs veulent profiter de l'université d'été pour mettre en lumière et aborder de front trois problèmes épineux traversés par l'Eglise actuellement : la croissance en son sein du mauvais génie identitaire, la misogynie tenace de l'institution et la dimension systémique des abus qui y sont commis.
Jean-Baptiste Ghins : "Ce serait hypocrite de vouloir corriger les maux de la société si on ne parvient pas à parler de nos propres démons. On a donc pris le pari de ne pas contourner le diagnostic : il y a des abus sexuels, les rapports l'ont montré, l'extrême-droite s'empare trop de sujets religieux et l'Eglise est structurellement misogyne. Comme on est profondément attaché à cette Eglise, tout en en ayant honte de ce qu'elle a commis ou laissé commettre, on a envie de prendre la parole, de déclencher des actions concrètes et de pousser le bateau dans la direction qu'il doit prendre".
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👨🏫 Informations pratiques
- Quoi ? Université d'été chrétienne sur la justice sociale
- Quand ? Du 29 juillet à 18h jusqu'au 31 juillet à 18h
- Où ? Quartier-Gallet n°1. 5570 BEAURAING
- Tarif : 40 € (50 € pour le prix solidaire). Comprend nourriture et logement.
- Inscriptions : Google forms (attention : l'inscription n'est effective qu'une fois la somme versée sur le compte BE32 0634 7681 9602 / Communication : Université d'été Nom Prénom)
- Informations complémentaires : Page Facebook consacrée à l'évènement ou par mail à l'adresse batirlebiencommun@gmail.com
Texte : Clément Laloyaux