Vingt ans après le vote d’une loi dépénalisant l’euthanasie, Léopold Vanbellingen, chargé de recherche à l’Institut européen de bioéthique, regrette une forme de banalisation, et dénonce le message que celle-ci envoie à la société. Il insiste: quel que soit son niveau de dépendance, toute personne a le droit de vivre et d’être accompagnée.
28 mai 2002. C’est ce jour-là qu’est promulguée une loi dépénalisant, en Belgique, l’euthanasie. On l’oublie souvent: au même moment, deux autres lois sont votées. L’une vise à protéger l’autonomie du patient; l’autre à élargir l’accès aux soins palliatifs.
Vingt ans plus tard, la "loi euthanasie" est solidement établie, dans notre corpus juridique comme dans l’esprit des Belges. Avec cette évolution, ce qui était initialement présenté comme de l’ordre de l’exception est progressivement devenu une forme d’évidence. "Au fil des ans, dans la perception des Belges, l’euthanasie a pu apparaître de plus en plus comme un droit, éventuellement même opposable aux soignants", observe Léopold Vanbellingen.
Aboutir à un "droit à l’euthanasie" n’était-il pas l’intention finale du législateur?
Non! Deux grands arguments étaient avancés en 2002. Le premier consistait à dire que c’était une loi d’exception, appelée à répondre à des situations assez rares de souffrance inapaisable. Le deuxième argument mettait en avant l’idée d’un contrôle strict: cette loi devait surtout mettre un terme aux euthanasies pratiquées de manière clandestine. Vingt ans plus tard, ces deux arguments peuvent être mis en question. Je n’ai pas l’impression qu’on soit encore dans le registre d’une loi d’exception. En une quinzaine d’années, le nombre d’euthanasies a été multiplié par dix. Il y a donc eu une forme de banalisation.
Propos recueillis par Vincent DELCORPS