
L’avez-vous déjà remarqué? Ce n’est qu’avec le recul du temps que l’on baptise les guerres. Ainsi, l’on ne parla de « guerre de trente ans » que lorsqu’on acquit la certitude, au terme de trois décennies de combats, que ceux-ci étaient achevés. La Première Guerre mondiale, quant à elle, n’aurait pas ainsi été dénommée si elle ne s’était ensuivie d’une deuxième. Les combattants de 1940 ignoraient qu’ils étaient engagés dans une séquence qui deviendrait célèbre sous l’appellation « 40-45 ». Et l’on ne parla de Guerre froide que lorsqu’il apparut que celle-ci se solderait sans affrontement direct entre les deux super-puissances.
Comment les historiens parleront-ils de ce qui se vit aujourd’hui en Ukraine? Combien de temps dureront ces combats? Et à quel périmètre seront-ils circonscrits? Aujourd’hui, personne ne possède la réponse à ces questions. Et si nous suivons celles-ci avec crainte et intérêt, d’autres les vivent dans l’angoisse la plus totale. Pensons à ce père qui ignore s’il reverra ses enfants. A cette femme qui ne sait pas si elle retrouvera sa maison. A ces enfants qui se demandent si leurs parents sont encore en vie.
Cette semaine, dans ce journal, nous vous emmenons aux portes de l’Ukraine. Nous y trouvons de l’angoisse, mais aussi de l’espérance. Car la foi n’a déserté ni ce pays en guerre ni le cœur de ses habitants. Et c’est au présent qu’elle s’exprime. Pour les personnes que nous avons rencontrées, elle est ce soutien, ce pain de chaque jour. Parfois l’ultime recours.
Par le passé, et aujourd’hui encore, Dieu a pu être mal compris. « Gott mit uns », affichaient les soldats allemands en 14. « Dieu sera avec nous », leur avait rétorqué Albert, roi des Belges.
Comme s’il revenait à Dieu de déterminer l’issue des combats.
Comme s’il avait à choisir un camp.
Comme si Jésus n’avait pas déjà, et définitivement, choisi un camp – celui de chacun, et en particulier celui de l’opprimé.
Alors, bien sûr, on peut prier pour la victoire et pour la paix. On peut prier pour que finisse cette guerre au plus vite. On peut prier pour retrouver les siens. On peut prier pour demain.
Mais c’est bien aujourd’hui que le Christ ressuscité se donne. Qu’il accompagne celui qui souffre, et qu’il pleure avec lui.
Ceux qui, dans l’angoisse des bombes, parviennent à croire en ce Dieu présent sont peut-être les saints de demain.
Vincent DELCORPS