Les femmes sont les grandes oubliées des livres d’Histoire.
Le documentaire Mémoire de nos mères leur donne la parole et met en lumière leur courage.

En Belgique, à la fin de la Première Guerre mondiale, on célèbre partout les soldats, les hommes qui se sont battus pour la Patrie. On érige des monuments, on conte leurs exploits et le roi Albert Ier annonce qu’il accorde le suffrage universel à tous les hommes âgés d’au moins 21 ans. Une récompense, en quelque sorte, pour les services rendus. Aujourd’hui encore, on parle des tranchées, des combats et de la dure vie des soldats durant la guerre. Les femmes, elles, sont absentes des livres d’Histoire. Elles ont pourtant, elles aussi, souffert et contribué à l’effort de guerre.
Le documentaire Mémoire de nos mères (disponible sur Auvio) répare cette injustice en donnant la parole aux femmes. Réalisé par Tristan Bourlard, d’après l’œuvre de Marianne Sluszny, ce film porte un autre regard sur l’après-guerre, à travers des récits de femmes d’aujourd’hui. Face caméra, ces filles répondent aux mots de leurs mères et grands-mères, contés par des comédiennes belges. Des images d’archives se mêlent aux prises de vues actuelles et aux dessins d’animation. Il s’en dégage ainsi une poésie, une intimité où on sent poindre la fierté d’être liées à ces femmes exemplaires.
Chacun sait que la guerre 14-18 a fait des ravages. Les hommes sont revenus avec des corps mutilés, quand ce n’est pas l’âme qui s’est abîmée. Soignantes et infirmières durant la guerre, les femmes ont perdu un mari, un fils, un frère. Elles ont appris à vivre seules et celles qui ont eu la chance de voir revenir leurs hommes ont dû faire face au défi de la vie normale après un traumatisme.
La première Belge sénatrice
Cet émouvant témoignage du passé relate donc des anecdotes vivantes, parfois tragiques et parfois amusantes. Il permet surtout de réhabiliter des figures féminines oubliées. La rebelle Gabrielle Petit, espionne et première Belge fusillée par les Allemands en 1916 qui a refusé le bandeau sur les yeux, par exemple. Ou encore celles qui ont participé à la reconstruction de la Belgique après la guerre. Les mouvements féministes luttent alors pour obtenir le droit de vote au sein des partis politiques. Elles obtiennent gain de cause en 1921 quand les femmes accèdent aux élections communales. Les femmes n’avaient alors pas droit au suffrage universel mais elles pouvaient être élues à tous les niveaux de pouvoir. La socialiste Marie-Janson Spaak deviendra ainsi la première sénatrice belge tandis que Lucie Dejardin accédera au poste de députée.
Ces avancées ne doivent pas occulter d’autres aspects moins reluisants. Le chômage s’étend et les femmes sont exclues du marché du travail. Elles vont donc devoir militer pour obtenir les mêmes droits que leurs homologues masculins. C’est à cette époque qu’elles accèdent à l’enseignement moyen et supérieur. On sépare les hommes des femmes mais elles peuvent obtenir un diplôme pour exercer des professions comme secrétaire ou assistante sociale.
Mémoire de nos mères raconte donc sans faux-semblants le parcours accompli par ces pionnières. Il montre que rien n’est jamais acquis et qu’il est impératif de continuer à agir pour supprimer les discriminations, quelles qu’elles soient.
Elise LENAERTS

Cet article provient du Journal Dimanche et vous est offert !
Vous souhaitez en découvrir davantage? Contactez-nous en ligne, au 010 / 77 90 97 ou via abonnement@cathobel.be