La panthère des neiges est un splendide documentaire de Marie Miguet qui a filmé Sylvain Tesson et Vincent Munier en quête d’un félin insaisissable.
Discrète et timide, seuls les plus patients peuvent l’apercevoir. Elle évolue avec grâce et souplesse dans les montagnes des hauts plateaux tibétains. Elle, c’est la panthère des neiges, un félin aussi fascinant qu’insaisissable. Le photographe Vincent Munier est parti à sa rencontre, entraînant avec lui l’écrivain Sylvain Tesson. Par tous les temps, les deux hommes ont suivi les traces de la panthère. Ils ont attendu, encore et encore. Ils ont dormi dans des campements de fortune et observé la vie autour d’eux. Ils ont aussi conversé, échangé leurs points de vue sur la vie, leurs boulots respectifs, leurs expéditions et la nature. De ce voyage au bout du monde est né un récit, lauréat du prix Renaudot en 2019. Puis est venu le film, récompensé, lui, par le César du meilleur documentaire en ce début d’année.
Ce long-métrage filmé par Marie Miguet, compagne de Vincent Munier, retrace le parcours de l’écrivain globe-trotter et du photographe. L’occasion d’observer les animaux qui vivent dans ces contrées hostiles, mais aussi de faire connaissance avec les hommes, des éleveurs de yacks qui vivent dans la plus grande simplicité. Plus qu’un documentaire animalier, c’est un voyage à la rencontre des autres auquel nous convient les deux hommes.
Dépouillés et apaisés
Ces instants à guetter en silence amènent des images grandioses, entrecoupées de photos qui figent l’espace d’un instant les moments vécus par les deux aventuriers. S’il y a un film à voir au cinéma sur un grand écran cette année, c’est certainement celui-là. On se sent minuscule, au milieu de ces montagnes balayées par des conditions climatiques extrêmes. L’équipe a effectué deux séjours de trois semaines dans l’Est du Tibet, sur des plateaux situés en moyenne à 4.500 mètres d’altitude, entourés de sommets à 6.000 mètres. En février, la température moyenne était de -18°C et pouvait descendre jusqu’à -25°C le matin. Les conditions de tournage compliquées ont évidemment amené à la confidence.
"J’étais curieuse de découvrir quel feu d’artifice ce tête-à-tête allait provoquer entre, d’un côté, Vincent, un homme très sensible à la nature, obsédé par la beauté et taiseux, et de l’autre, cet écrivain très volubile qui dévore la vie par les deux bouts. J’aime filmer les gens passionnés, tenter de comprendre ce qui anime ces êtres humains d’exception", a confié la réalisatrice. Vincent Munier, le photographe, confie ainsi l’épanouissement qu’il ressent lorsqu’il se trouve loin de l’agitation de nos villes. Face à lui, l’écrivain globe-trotter considère d’un autre œil ses expéditions à la chaîne, sa boulimie de découvertes. Leur attente pousse à s’interroger sur nos parcours d’êtres humains, nos rapports à la nature, aux autres et à nous-mêmes. A guetter l’invisible, en silence, on se recentre sur le regard.
Vous l’aurez compris, rien ne dit que vous verrez la fameuse panthère des neiges dans ce documentaire. Vous apercevrez des espaces où il ne se passe presque rien. Où on ne s’encombre pas de mots inutiles, et où un bruissement prend tout son sens. Une définition de l’apaisement.
Elise LENAERTS