A l'issue de l'homélie prononcée par l'abbé Mawet à Sainte-Alix, le 20 février, le philosophe Michel Dupuis a partagé ses réflexions concernant la pandémie sanitaire. L'ensemble s'inscrit dans la suite de son nouvel ouvrage "Des virus et des hommes. Enjeux philosophiques d'une pandémie".
"Voilà un événement que nous pourrions transformer en action humaine."
D'abord comprendre
Selon le professeur à l'UCLouvain, le premier enjeu consiste à interpréter les faits. "Cette première phase de compréhension a toute son importance, parce qu'elle permettra le débat démocratique", souligne-t-il. Ensuite, dans un second temps, viennent les actions à accomplir, comme la mise au point de la vaccination, le développement de molécules, etc. Devenir co-acteur, voilà le fil conducteur de cette réflexion menée un dimanche matin !
Une forme de "révélation"
"Cette crise sanitaire est révélatrice. Elle nous met sous les yeux des choses, des gens, des pensées que peut-être nous n'avions pas clairement à l'esprit." Et de songer au travail des invisibles. Autre révélation, avec le rapport à la nature et "le retour du naturel refoulé". La crise sanitaire met aussi la société à l'épreuve de la fiabilité. "La crise sanitaire a révélé des ruptures entre nous", qu'elles soient économiques, culturelles, numériques…
Une mise à l'épreuve personnelle
Autre aspect de la crise sanitaire qui "interroge en nous cette notion d'autonomie personnelle (…), comme si nous avions passé le printemps de l'autonomie". En 2002, c'était il y a 20 ans, la loi sur les droits du patient a été promulguée. Avec la crise sanitaire, surgit une autre dimension, puisque chacun est devenu potentiellement "vecteur" ou "contaminateur", malgré lui… "Ce qui est mis en jeu, c'est ce lien fondamental entre ma liberté et ma responsabilité", souligne le philosophe.
Agir en termes de santé collective ou publique
"A côté du droit des patients à être protégés, il faut ajouter la dimension de la responsabilité individuelle pour le collectif." L'après de la crise sanitaire doit être envisagé par les chrétiens comme l'occasion d'une prise de responsabilité citoyenne "pour une société plus juste". Selon le philosophe, les enjeux ne se limitent pas à un seul territoire prédéfini, mais ils concernent carrément la géopolitique de la santé. "Tout à coup, les horizons bougent. Nous redécouvrons, grâce à la crise sanitaire, que nous habitons une seule et même planète."
A. T.
Pour en savoir plus, "Des virus et des hommes. Enjeux philosophiques d'une pandémie" de Michel Dupuis, aux Presses Universitaires de Louvain, janvier 2022.