Ce mercredi 12 janvier, on apprenait que la fabrique d’église du Béguinage entamait des procédures en justice de paix pour mettre fin à l’occupation du bâtiment par l’Union des Sans-papiers pour la Régularisation. En réponse, plusieurs sans-papiers sont revenus au Béguinage le lendemain pour poursuivre l’occupation.
Il y a un an (31 janvier 2021), une centaine de personnes en séjour irrégulier s’installaient dans l’église du Béguinage à Bruxelles pour une occupation soutenue par le collectif Union des Sans-papier pour la Régularisation (USPR). « L’action n’était pas une action par et pour les personnes « sans logement », mais une action politique », souligne le communiqué publié par House of Compassion (la maison de la compassion, l’organisation du père Daniel Alliët, prêtre de la paroisse du Béguinage). « Il s’agissait de travailleurs sans papiers qui travaillaient ici depuis de nombreuses années, généralement dans des situations de grave exploitation » observent les responsables de l’association, ajoutant que la crise sanitaire avait « sérieusement détérioré leurs conditions de vie. » L’action avait été marquée par une grève de la faim de 54 jours, en été 2021, en vue de l’obtention d’une régularisation des sans-papiers. S’en était suivi une large mobilisation citoyenne et des appels d’associations et de l’Eglise, notamment par la voie du cardinal De Kesel qui demandait d’agir face à une situation dramatique de « personnes en danger qui appellent notre compréhension et notre compassion ». En juillet 2021, la grève de la faim avait pris fin suite à l’annonce du Secrétaire d’Etat à l’asile et la migration, Sammy Mahdi, qui assurait que les demandes des grévistes de la faim seraient considérées comme recevables et entièrement examinées. Dans les mois suivants, une partie des demandes ont reçu une réponse négative assortie de l’obligation de quitter le territoire.
Déception et fin de l’occupation
« Reconnaissant le cri de dignité des travailleurs sans-papiers, nous avons toléré l’occupation », écrit le père Alliët. Mais celle-ci rendait impossible les offices religieux avec plus de 15 personnes. Par ailleurs, seule une vingtaine de personnes restent encore dans l’église, principalement des personnes qui ont perdu leur maison l’année dernière. La fabrique de l’église du Béguinage a décidé que l’occupation de l’église devait prendre fin. « En effet, précise le communiqué, d’un point de vue humanitaire, le bâtiment n’est pas adapté – surtout en hiver – à l’hébergement et la situation dans l’église n’est plus sûre. En tant que responsable de dernier ressort de l’utilisation de l’église, la fabrique de l’église va maintenant entreprendre les démarches juridiques nécessaires. »
Dans un billet du 4 janvier, le père Daniel Alliët ne cachait pas sa déception: « Après les négociations des 20 et 21 juillet (auxquelles nous avons été autorisés à participer), nous pensions que tout un groupe de gens serait reconnu. Aujourd’hui, nous nous sentons très déçus quand nous voyons le nombre de réponses négatives, même pour des personnes dont nous pensions qu’elles avaient d’excellents dossiers, des dossiers qui – après les discussions avec les autorités – se termineraient certainement par une réponse positive. » La fin de l’occupation, précise House of Compassion, « ne signifie en aucun cas la fin de notre solidarité avec les sans-papiers. » « La lutte pour une politique d’asile et de régularisation plus humaine se poursuit » écrit encore le père Alliët. « Nous voulons continuer à la soutenir partout où nous le pouvons, en aidant à trouver les moyens les plus appropriés. » House of Compassion accepterait par exemple que l’église continue à être un centre d’action de jour mais plus un centre d’abri de nuit.
Les sans-papiers ne seront pas mis à la rue
Une vingtaine de personnes occupent toujours actuellement l’église, confirme Karen Naessens, porte-parole de House of Compassion. Médecins du monde et le réseau de contacts de l’association cherchent activement des solutions pour reloger ces personnes. Parmi celles-ci, poursuit Karen Naessens, « certaines sont prêtes à mettre fin à l’occupation mais d’autres voudraient reprendre une grève de la faim et pourraient être rejointes dans ce mouvement. » Karen Naessens regrette aussi que les délais annoncés par le Secrétaire d’Etat pour le traitement des dossiers n’ont pas été respectés. Des personnes en séjour irrégulier qui ont trouvé un logement depuis cet été n’ont toujours pas reçu la visite d’un agent de quartier pour confirmer leur domicile. Leur dossier reste dès lors sans suite.
Un avocat a été mandaté pour entamer les démarches avec le juge de paix, confirme Karen Naessens, mais une décision de justice ne devrait pas être rendue avant une dizaine de jours voire un mois. « Si on ajoute la mise en place en place de la procédure, ça laisse encore du temps pour reloger les personnes toujours présentes dans l’église. »
Les pays voisins montrent la voie
Nos pays voisins montrent comment les choses peuvent être faites différemment. L’Allemagne, le pays auquel le secrétaire d’État Sammy Mahdi se réfère parfois comme un phare, a déjà clairement pris le virage avec son nouveau gouvernement aujourd’hui. Celui qui y reste pendant cinq ans se voit accorder un an pour trouver un emploi ou commencer une formation préparant à un métier en pénurie. « Cela est également possible en Belgique », déclare Karen Naessens, de House of Compassion. « Cela donne à ces personnes la possibilité de contribuer à la société de manière normale, sans avoir à vivre dans une exploitation dégradante. »
[Mise à jour 13 janvier] Les sans-papiers de retour au Béguinage
Ce jeudi 13 janvier, plusieurs sans-papiers sont revenus reprendre l’occupation du Béguinage. Une action qui va à l’encontre de la demande de fin d’occupation formulée par la fabrique d’église. Comme expliqué ci-dessus, la fabrique de l’église du Béguinage souhaite le départ des sans-papiers pour le samedi 15 janvier au plus tard, notamment parce que le bâtiment ne serait pas adapté à l’hébergement, de surcroit en hiver. Selon les membres du projet « La Maison de la Compassion », la fabrique d’église a d’ailleurs pris un avocat en vue de réclamer judiciairement la fin de l’occupation des lieux par l’ « Union des Sans-papiers pour la Régularisation », dans l’éventualité où elle serait toujours en cours après le 15 janvier. Au micro de BX1, les représentants des sans-papiers regrettent que tous les dossiers n’ont pas encore été traités comme il avait pourtant été convenu et annoncent poursuivre leurs actions jusqu’à ce qu’ils sachent pourquoi l’accord n’a pas été respecté.
MV, CL avec House of Compassion et BX1 – Photo: ©House of Compassion