"Les chrétiens restent la communauté religieuse la plus persécutée au monde" confirme Thomas Heine-Geldern, président exécutif de l’AED (Aide à l'Eglise en détresse).
Pour attirer l’attention sur la nécessité de défendre les libertés religieuses, l'AED organise chaque année une Red Week. A cette occasion, des cathédrales, des églises et des bâtiments publics dans de nombreux pays de quatre continents seront illuminés en rouge. "La liberté religieuse est violée dans près d’un tiers des pays de la planète (31,6 %), où vivent les deux tiers de la population mondiale", c'est le principal constat présenté dans la 15ème édition annuelle du rapport de l'Aide à l'Eglise en détresse sur la liberté religieuse dans le monde. 62 pays sur un total de 196 sont confrontés à de très graves violations de la liberté religieuse. Le nombre de personnes vivant dans ces pays est proche de 5,2 milliards. Les pires violations ont lieu dans certains des pays les plus peuplés au monde comme la Chine, l’Inde, le Pakistan, le Bangladesh et le Nigeria.
"Il faut une approche stratégique"
Pour la Red Week, l'AED a invité le père Gideon Obasogie à témoigner en Belgique de la situation de son diocèse, confronté à l'organisation terroriste Boko Haram. Rencontre.
Gideon Obasogie est prêtre dans le diocèse de Maiduguri, dans l'État de Borno (nord-est du Nigeria). C'est sur ces terres que Boko Haram a vu le jour en 2002, sous l'impulsion du prédicateur Mohamed Yusuf.
Comment ont débuté les attaques de Boko Haram dans le diocèse de Maiduguri?
Sous couvert de prières ou d'activités religieuses, Mohamed Yusuf a endoctriné des jeunes avec la volonté de les radicaliser. Les violences, à proprement parler, ont débuté en 2009 par des attaques sur des institutions gouvernementales, des bases militaires et des églises. A la mort du leader, nous pensions que le mouvement allait s'éteindre. Mais quand vous coupez la tête du serpent, ça n'apporte pas forcément de solution au problème dans sa globalité. Boko Haram, sous l'impulsion de son nouveau dirigeant, Abubakar Shekau est devenu de plus en plus violent jusqu'en 2014 où on a compté jusqu'à deux millions de personnes qui ont fui le diocèse.
Ces actes de violence ciblent les chrétiens mais aussi les musulmans. Comment l'expliquer?
En 2009, c'est principalement l'Eglise catholique qui était la cible des attaques. Mais il y a eu une escalade de la violence et des musulmans plus modérés ont été visés car Boko Haram, comme d'autres groupes terroristes, a une vision précise de ce que devrait être l'islam et veut l'imposer par la force. Des prédicateurs prônent une forme radicale de l'islam dans la ligne de l'idéologie salafiste qui défend un islam puritain.
Le Nigeria connaît une crise humanitaire suite à ce conflit armé, comment la situation évolue-t-elle?
Aujourd'hui cette crise humanitaire se poursuit même si elle est moindre qu'en 2014 ou 2015 car nombre de combattants ont été repoussés vers la forêt de Sambisa et vers le Tchad. Des hommes originaires de Maiduguri reviennent au pays en expliquant avoir quitté les rangs de Boko Haram. Mais cette présence effraie la population qui ne veut pas cohabiter avec d'anciens combattants qui ont attaqué et parfois tué des membres de leur famille. Nous avons besoin d'un processus de déradicalisation plus efficace que ce que nous avons pu constater. Il faut une approche stratégique car le gouvernement facilite la réinsertion d'anciens combattants dans la société alors qu'il ne prend pas soin des déplacés et des victimes. Les dirigeants du pays ne sont toujours pas capables de s'asseoir autour de la table pour produire des solutions.
La suite de cet entretien est à découvrir prochainement dans le journal Dimanche.
Liberté religieuse dans le monde – Rapport 2021
Le rapport de l'Aide à l'Eglise en détresse relève une augmentation significative de la gravité des principales catégories de persécution et d’oppression. Ce document de 800 pages, produit par une équipe mondiale, partage plusieurs observations alarmantes :
- Les réseaux djihadistes transnationaux qui s’étendent de part et d’autre de l’équateur aspirent à devenir des « califats » transcontinentaux.
- Un "cyber-califat", en expansion à l’échelle mondiale, est désormais un outil établi de recrutement en ligne et de radicalisation en Occident.
- Les gouvernements autoritaires et les groupes fondamentalistes ont intensifié les persécutions religieuses.
- La violence sexuelle utilisée comme arme contre les minorités religieuses.
- L’Occident a abandonné les outils capables de réduire la radicalisation.
Ce rapport est disponible au secrétariat de l'AED à Louvain: Abdij van Park 5 - B-3001 Leuven. Tél: +32 (0)16 39 50 50
E-mail: info@egliseendetresse.be
Infos: Red Week | Aide à l’Église en Détresse (egliseendetresse.be).