En 1939, la chanteuse de jazz afro-américaine Billie Holiday s’attire les foudres du gouvernement en interprétant une chanson contre le racisme. Un récit qui résonne avec notre époque.

Quand on évoque la lutte pour les droits civiques aux Etats-Unis, on pense naturellement à Martin Luther King, Rosa Parks ou Malcolm X. Ces grandes icônes ont éclipsé d’autres militants plus discrets comme Billie Holiday. Celle qui reste à ce jour une des plus grandes chanteuses, sinon la plus grande, de l’histoire du jazz, malgré une carrière relativement courte (des années trente à cinquante), fut malheureusement plus connue pour ses penchants toxicomanes que pour son implication dans la défense des droits des Afro-Américains. Née en 1915, Billie Holiday a vécu une enfance difficile. Violée à l’âge de dix ans, elle est exploitée dans une maison de passe à 14 ans. Brisée, elle se réfugiera dans l’alcool et l’héroïne. Le film de Lee Daniels, The United States vs Billie Holiday (Billie Holiday, une affaire d’Etat), lui rend hommage en faisant le récit de sa lutte pour les droits civiques.
Celle que l’on surnommait Lady Day a en effet utilisé la scène pour dénoncer la ségrégation. Elle a plus précisément fait passer son message anti-raciste à travers une chanson, Strange Fruit. En 1939, au Café Society, le premier club de jazz new-yorkais sans ségrégation, Billie Holiday entonne ce plaidoyer contre le lynchage impuni dont étaient victimes les noirs. Elle devient alors la cible du gouvernement qui lui interdit de chanter à nouveau cette chanson. L’icône du jazz n’en fera rien. Malgré les risques d’emprisonnement, elle continuera à chanter Strange Fruit.
Un récit actuel
The United States vs Billie Holiday nous fait le récit de cette lutte entre les autorités et la chanteuse. Passant de son enfance à l’époque de son succès, il montre combien le racisme était encore présent partout aux Etats-Unis, alors que la ségrégation raciale imposée par les lois Jim Crow n’étaient officiellement effectives que dans le Sud. Il dévoile aussi des pratiques scandaleuses utilisées par le FBI pour coincer la militante. Harry Anslinger, le chef du Bureau Fédéral des Narcotiques va en effet se servir de ses addictions pour la faire tomber, n’hésitant pas à la piéger en infiltrant une taupe dans son cercle d’amis.
Ce biopic fait partie des films qui nous rappellent combien les droits humains sont fragiles. Les années cinquante ne sont pas si lointaines. Le racisme systémique est toujours présent aux Etats-Unis et ailleurs dans le monde. Il suffit de se souvenir de George Floyd, mort étouffé par un policier lors d’une arrestation en mai 2020. Ces actes d’une extrême violence ne sont que la partie visible de l’iceberg des discriminations. En racontant des histoires comme celle de Billie Holiday, on peut aller plus loin et se questionner sur notre rapport à la différence. The United States vs Billie Holiday a donc des résonances actuelles. A travers le destin tragique de cette chanteuse de jazz, il rappelle aussi que les héros sont plus nombreux qu’on ne le pense. Il réhabilite une personnalité, en la montrant sous toutes ses facettes. Elle le méritait bien, la talentueuse et courageuse Billie!
Elise LENAERTS