Après un dimanche partagé entre Budapest et Bratislava, la première journée pleinement slovaque du Saint-Père s’est ouverte par une cérémonie de bienvenue au Palais présidentiel «Grassalkovich» de Bratislava. François s’est ensuite entretenu avec Zuzana Čaputová, chef de l’État depuis 2019, avant de rencontrer rencontré l’ensemble des évêques, prêtres et religieux de Slovaquie en la cathédrale catholique Saint-Martin de Bratislava puis de clôturer sa journée par une rencontre avec ses confrères jésuites.

François lors de la rencontre avec l’ensemble des évêques, prêtres et religieux de Slovaquie en la cathédrale catholique Saint-Martin de Bratislava, le lundi 13 septembre 2021. Vatican News
Dans les jardins du Palais présidentiel de Bratislava a eu lieu ce lundi matin la rencontre entre le Pape et les autorités, la société civile et le corps diplomatique slovaque. François a reconnu venir comme «pèlerin dans ce pays jeune mais à l’histoire ancienne, sur une terre aux racines profondes située au cœur d’Europe». En bref, une “terre du milieu”, devenu sans conflit indépendante de la République Tchèque il y a 28 ans.
La reprise économique ne suffit pas
L’histoire de la Slovaquie a une signification importante pour aujourd’hui. Elle l’appelle «à être un message de paix au cœur de l’Europe», a précisé François, et un exemple de fraternité. Face à la crise causée par la pandémie de Covid-19, la «reprise économique seule» n’est pas «suffisante», estime le Pape. Il faut que la Slovaquie «réaffirme son message d’intégration et de paix, et que l’Europe se distingue par une solidarité qui, en franchissant les frontières, puisse la ramener au centre de l’histoire», a-t-il souligné.
Inspiration montagnarde
L’histoire slovaque compte aussi nombre d’«exemples brillants de courage, de cohérence et de résistance contre l’injustice», et de «pardon», toujours inspirants.
Le Souverain Pontife a terminé son discours en parlant à nouveau de la pandémie qui invite à construire l’avenir «le regard tourné vers l’autre». «Personne ne peut s’isoler, comme individu ni comme nation», a-t-il averti. Avec poésie, François a évoqué la chaîne des monts Tatra qui sillonnent la Slovaquie et d’autres pays voisins «pour unir dans la beauté des peuples différents». «Cultivez cette beauté, la beauté de l’ensemble. Cela exige patience et effort, courage et partage, élan et créativité. Mais c’est l’œuvre humaine que le Ciel bénit. Que Dieu bénisse cette terre. Nech Boh žehná Slovensko ! [Que Dieu bénisse la Slovaquie !]», a-t-il conclu.
« Ne cédons pas à la tentation de la magnificence! »
Le centre de l’Église n’est pas l’Église
Cela aide à sortir de l’autoréférentialité: le centre de l’Église n’est pas l’Église!, a ensuite lancé François, appelant à sortir «de l’inquiétude excessive pour nous-mêmes, pour nos structures, pour la façon dont la société sympathise avec nous».
Et le Pape de s’interroger: quels sont les besoins et les attentes spirituels de notre peuple? Qu’attend-on de l’Église?, a-t-il questionné proposant trois mots-clés.
Le premier est liberté. «Sans liberté, il n’y a pas de véritable humanité, parce que l’être humain a été créé libre pour être libre. Les périodes dramatiques de l’histoire de votre pays sont un grand enseignement: lorsque la liberté a été blessée, violée et éliminée, l’humanité a été dégradée et les tempêtes de la violence, de la coercition et de la privation des droits se sont déchaînées», a-t-il déclaré, ajoutant: «La liberté n’est pas une conquête automatique qui demeure une fois pour toutes. La liberté est toujours un chemin, parfois pénible, à renouveler continuellement. Il ne suffit pas d’être libre extérieurement, ou à travers les structures de la société, pour l’être vraiment».
Le risque du choix
Il est parfois plus commode de ne pas se laisser provoquer par les situations concrètes et de continuer à répéter le passé, sans y mettre le cœur, sans le risque du choix, a pointé du doigt le Pape François, dénonçant l’attitude qui consiste à «passer sa vie en faisant ce que d’autres –peut-être la masse ou l’opinion publique– décident pour nous».
Le Pape critique cette attitude aussi dans l’Église, où cette idée peut faire son chemin: «mieux vaudrait avoir toutes les choses prédéfinies, des lois à observer, la sécurité et l’uniformité, plutôt que d’être des chrétiens responsables et adultes qui pensent, interrogent leur conscience et se remettent en cause». Dans la vie spirituelle et ecclésiale, la tentation existe de chercher une fausse paix qui nous laisse tranquille, plutôt que le feu de l’Evangile qui nous inquiète et nous transforme, alerte le Pape, exhortant à laisser place «à l’aventure de la liberté, même dans la vie spirituelle», sans quoi celle-ci risque de devenir «un lieu rigide et fermé».
«N’ayez pas peur de former les personnes à une relation mûre et libre avec Dieu. L’Église du Christ ne veut pas dominer les consciences ni occuper les espaces, elle veut être une “fontaine” d’espérance dans la vie des personnes», a fait remarquer le Pape.
«Que l’annonce de l’Évangile soit libératrice, jamais écrasante. Et que l’Église soit signe de liberté et d’accueil!», a souhaité le Saint-Père.
La riche tradition chrétienne
Deuxième mot, avancé par le Pape, la créativité, citant l’exemple «des figures lumineuses des saints Cyrille et Méthode».
«Cyrille et Méthode ont parcouru ensemble cette partie du continent européen et, brûlants de passion pour l’annonce de l’Evangile, ils sont arrivés à inventer un nouvel alphabet pour traduire la Bible, les textes liturgiques et la doctrine chrétienne», a affirmé le Pape. «Ainsi ils sont devenus des apôtres de l’inculturation de la foi auprès de vous, des inventeurs de nouveaux langages pour transmettre la foi, ils ont été créatifs dans la traduction du message chrétien, ils ont été si proches de l’histoire des peuples qu’ils rencontraient qu’ils ont parlé leur langue et assimilé leur culture. La Slovaquie n’a-t-elle pas encore besoin de cela aujourd’hui?», a interrogé François avant de poursuivre: «N’est-ce pas là la tâche la plus urgente de l’Eglise auprès des peuples de l’Europe : trouver de nouveaux “alphabets” pour dire la foi?
L’Évangile, en effet, estime le Saint-Père, ne peut pas croître s’il n’est enraciné dans la culture d’un peuple, c’est-à-dire dans ses symboles, dans ses interrogations, dans ses paroles, dans sa manière d’être. «Les deux frères ont été beaucoup gênés et persécutés, vous le savez. Ils étaient accusés d’hérésie parce qu’ils avaient osé traduire la langue de la foi. Voilà l’idéologie qui naît de la tentation d’uniformiser. Mais l’évangélisation est un processus d’inculturation : elle est une semence féconde de nouveauté».
Le souvenir des blessures, brèches pour imiter Dieu
Enfin, troisième et ultime piste suggérée par François, le dialogue. L’unité, la communion et le dialogue sont toujours fragiles, surtout quand il y a derrière une histoire de souffrances qui a laissé des cicatrices, affirme-t-il. En effet, «le souvenir des blessures peut entraîner le ressentiment, la méfiance, et même le mépris, en incitant à élever des barrières». Mais, relève enfin François, «les blessures peuvent être des brèches, des ouvertures qui, en imitant les plaies du Seigneur, font passer la miséricorde de Dieu».
La traditionnelle rencontre avec les Jésuites
Il était 17h30, une journée chargée était sur le point de s’achever, et c’est avec le sourire que le Pape François a accueilli en privé les 53 jésuites venus de toute la Slovaquie à la nonciature apostolique. Ce rendez-vous avec les membres de la Compagnie de Jésus de l’Église locale est désormais une tradition de tout voyage apostolique de François. Le Saint-Père a fait preuve d’une grande attention, comme en témoignent les personnes présentes, et cela malgré le tour de force de ce premier jour du voyage qui, en à peine 12 heures, l’a conduit à Budapest puis à Bratislava.
Un membre de la famille
La rencontre a duré environ une heure et demie. «Cela s’est très bien passé, dans une atmosphère sereine», rapporte le père Jozef Bartkovjak, responsable de la section slovaque de Radio Vatican et correspondant à Bratislava, qui a qualifié ce rendez-vous de «réunion de famille». Malgré le fait qu’il n’avait pas encore dîné et qu’il revenait d’une réunion exigeante avec le Conseil œcuménique des Églises, le Saint-Père «était tout à fait frais. Il avait déjà fait plusieurs choses, mais il était pleinement présent, il plaisantait, il était vif. Il nous a donné l’impression de retrouver une personne très chère, avec laquelle il est agréable d’être ensemble. Une personne que nous connaissons mais que nous ne connaissions pas de près. Nous avons écouté ses paroles et avons pu lui dire ce que nous souhaitons, ce que nous faisons», poursuit le jésuite slovaque.
Encouragement à la mission
Le Souverain Pontife a vivement encouragé les 53 jésuites (il y a 80 jésuites en Slovaquie au total) à poursuivre leur mission dans le pays. Celle-ci s’exerce dans différents apostolats, avec un accent particulier sur l’éducation et la formation, dans une faculté de théologie et dans deux maisons d’exercices spirituels, restées actives même pendant les années sombres du régime communiste.
Nouveaux défis
Une visite rendue encore plus libre et familière sans doute grâce au caractère confidentiel de la réunion: à huis clos et sans la présence des médias. Aucun mot n’a filtré sur le contenu de la réunion par les personnes présentes, mais de nombreux commentaires ont été faits sur l’état d’esprit de François. «Comme je l’ai dit, c’était très spontané. Plusieurs questions ont été soulevées par les jésuites présents mais aussi par le Saint Père. Nous pouvions parler de tout, très librement», décrit notre correspondant. La réunion s’est terminée par une photo de groupe, et si «le Saint-Père semblait satisfait», les jésuites ont quant à eux déclaré être «satisfaits à 100%, voire à 200%».
S.D. avec Vatican News
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