On nous avait dit qu’il fallait toujours obéir. Que c’était important. Que ça ferait plaisir à nos parents. Que ça nous éviterait des ennuis. Et, de toute façon, qu’on n’avait pas le choix: que c’était comme ça, que ça nous plaise ou pas.
Mais les temps changent. Et il semble que le non-respect des règles soit devenu à la mode. Les bulles, les terrasses, les délais, les quotas, les masques, les gels, les couvre-feux… Tout ça c’est bien, mais bon, quand même hein! Il faut dire que les excuses ne manquent pas: les règles seraient inapplicables et incohérentes, les amendes seraient rares et pas forcément légales, et surtout, les gens en auraient profondément marre. Enfin, il y a cette bannière: celle de la désobéissance. Braver les règles, finalement, ne serait-ce pas faire preuve de courage politique?
Que penser de tout cela?
D’abord, qu’en la matière, il faut procéder avec humilité. N’est-ce pas par jalousie que trop souvent l’on condamne ceux qui ne respectent pas les règles? Et n’est-ce pas pour se donner bonne conscience que l’on traite de peureux ceux qui les suivent religieusement? Derrière nos critiques, souvent faciles, se cachent nos propres sentiments, souvent mêlés. Au lieu de les juger à distance, prenons le temps de rencontrer les autres. Ecoutons ces artistes qui performent quand même, ces évêques qui respectent les règles du jeu politique, et ces jeunes qui se mobilisent au bois de la Cambre. Mais surtout, puisqu’il est si difficile de juger le comportement des autres, commençons peut-être par interroger notre propre rapport aux règles.
Procéder avec discernement aussi. La désobéissance civile a notamment gagné ses lettres de noblesse à la suite des combats menés par Gandhi et Martin Luther King. Mais il ne suffit pas de ne pas obéir pour désobéir! La désobéissance civile n’est pas un geste nonchalant, c’est un acte courageux. Qui doit remplir au moins trois conditions: 1), il est posé parce que tous les moyens légaux se sont révélés inefficaces; 2), il est profondément non-violent; et 3), il ne défend pas seulement des intérêts particuliers, mais une vision collective, un projet de société.
Alors, ne prenons pas trop vite pour de la bravoure ce qui n’est peut-être que de la paresse. Mais osons aussi voir un bel acte militant dans ce qui ne ressemble parfois qu’à de l’indiscipline.
Vincent DELCORPS