C’était lors d’une de ces rencontres magnifiques, toute simple et comme toujours très profonde entre le pape François et des jeunes. L’un d’eux, raconte le professeur Henri Derroitte de l’UCL, est croyant, aimant le Christ et l’Eglise. Mais il est comme tous les jeunes entouré d’une majorité d’autres jeunes qui sont athées. Alors il demande au pape: « Qu’est-ce que je dois leur dire pour qu’ils croient dans le Christ? » Et François a cette réponse qui peut en surprendre plus d’un, de la même manière que ce jeune qui ne s’attendait pas du tout à la réponse du pape: « La dernière chose à faire est de leur dire quelque chose. La vie du chrétien, c’est de témoigner en vivant dans le style de l’Evangile. Ils pourront nous poser des questions, nous pourrons dialoguer. L’essentiel est la fidélité et non la réussite » (cité dans le journal Dimanche du 9 août 2020).
Perfection, image de l’Evangile
Entendant cette réponse du pape, chaque parent chrétien, chaque catéchiste ou autre responsable de la transmission de l’Evangile pourrait aussitôt croire qu’il doit essayer de fournir de lui une image la plus proche possible de la perfection pour être conforme à l’Evangile et au Christ. Fatale erreur! Double erreur même. Il ne s’agit ni de donner une image, ni encore moins de leurrer autrui en offrant un semblant de perfection. Les enfants et les jeunes d’aujourd’hui parleraient de « super héros ». Ce n’est pas du tout « le style de l’Evangile ».
Cela n’a, en effet, rien à voir avec l’Evangile et la vie des disciples du Christ.
Les récits nous offrent au contraire le témoignage des disciples qui, comme chaque personne humaine, vivent un parcours fait d’ombre et de lumière. Simon-Pierre, par exemple, renie Jésus par peur d’être arrêté (Lc 22,54-62), Judas est présenté comme cupide et traître (Lc 22,3-6), Jean et Jacques insistent pour exterminer les habitants du village de Samarie qui n’ont pas voulu les accueillir (Lc 9,51-56), et la mère de ceux-ci insiste lourdement pour que ses fils bénéficient d’un privilège dans le Royaume de Dieu (Mt 20,20-21). Il y a encore bien d’autres exemples qui pourraient être cités, sans parler des nombreux cas des premiers chrétiens évoqués dans les Actes des Apôtres.
Paul, dans ses lettres, se désigne comme avorton et comme indigne d’être appelé apôtre parce qu’il a été persécuteur (1 Co 15,8-9) et il rappelle avec emphase qu’aucun être humain ne peut se prétendre parfait. (Rm 3,9-20)
Non assurément, les Ecritures ne présentent pas les disciples de Jésus, comme des témoins irréprochables. C’est Blaise Pascal qui affirmait: « Qui veut faire l’ange fait la bête. »
Cheminer et être vrai
A l’inverse de se donner une apparence de réussite morale et d’être totalement vertueux, les éducateurs (aussi au plan religieux) ont à témoigner que la vie humaine est un cheminement, une route sur laquelle on avance, on recule et sur laquelle on tombe aussi. Le témoignage chrétien consiste à être et à dire vrai, si quelqu’un nous interroge. Il consiste à savoir et à partager que le Seigneur est toujours à nos côtés sur nos routes, quelles qu’elles soient, toujours présent pour nous relever. L’amour de Dieu est toujours plus grand que nos pires péchés. « Où le péché abonde, la grâce surabonde » a magnifiquement et justement exprimé Paul (Rm 5,20). Vivre cela en vérité et éventuellement pouvoir l’exprimer, voilà assurément la meilleure Bonne Nouvelle qui soit. Pouvoir reconnaître ses torts devant son groupe (sans les faire peser sur les autres) quand on est un responsable assure le respect et ne détruit pas l’autorité, bien au contraire, cela l’engendre. C’est d’ailleurs un acte éducatif important car il montre (sans qu’on doive ajouter des paroles moralisantes) ce qu’est le comportement d’un adulte vrai, responsable, qui désire vraiment se relever
et progresser.
Luc Aerens
Diacre,
Comédien et pédagogue