Comment l’Enseignement Catholique vie-t-il la crise sanitaire actuelle ? Nous avons posé la question à plusieurs responsables dans ce domaine et nous partageons ci-après trois témoignages ; celui de Mathieu Drieskens, d’Ingrid Busa et d’Isabelle Charon.
Enseignement Supérieur Pédagogique
Mathieu Drieskens, professeur de sciences religieuses à l’Institut Supérieur pédagogique Helmo/Sainte-Croix, nous fait part du vécu des étudiants :
Monsieur le Professeur, comment vos étudiants ont-ils réagi quand l’épidémie du Covid-19 s’est muée en pandémie ?
Comme on pouvait s’y attendre, les étudiants ont surtout été préoccupés par l’organisation de leur formation, puisqu’on leur avait annoncé que les cours seraient momentanément suspendus et qu’ils devraient par la suite les suivre en vidéo-conférence.
Mais, dès que je leur ai expliqué la technique à suivre, leur inquiétude s’est très vite estompée.
Les étudiants des trois années de formation en sciences religieuses (option Français-Religion) ont alors été très assidus aux vidéoconférences et je n’ai noté aucune absence aux cours donnés en streaming.
Au plan religieux, vos étudiants se sont-ils demandés quelle pouvait être la responsabilité de Dieu dans un tel phénomène ?
A vrai dire, comme tout un enseignement avait été donné sur le Dieu biblique et ses différents visages, les étudiants étaient intellectuellement préparés à déresponsabiliser Dieu de toute intervention négative dans le phénomène Covid. Il n’était pas nécessaire de réfléchir à nouveaux sur des questions telles que : « Et Dieu dans tout cela ? Pourquoi n’a-t-il pas stoppé la plaie ? Nous aurait-il abandonnés ? ». J’ai le sentiment que le cours de deuxième baccalauréat ayant été suffisamment intégré, le transfert des données enseignées à l’actualité ne fut pas un problème majeur.
Comme dans de nombreux cours, l’événement du coronavirus était largement exploité, les étudiants éprouvaient un grand désir qu’on leur parle d’autres choses : d’avenir, d’espoir…, et que la découverte de la matière prévue ne soit pas ralentie.
Est-ce que les étudiants en troisième année, au cours de leur stage dans l’enseignement secondaire, ont été confrontés à des questions d’élèves liant l’épidémie du coronavirus à la religion ?
Il faut savoir que le Programme de religion du Secondaire a ses exigences thématiques et pédagogiques. Cela ne signifie pas que le professeur doive refuser de faire des digressions, des « écarts » par rapport au « fil rouge » à poursuivre, loin de là.
En troisième année du Secondaire, où nos élèves s’exerçaient à leur futur métier, la thématique abordée concernait l’importance dans nos vies de la responsabilité individuelle et collective.
Dans certaines classes, la réflexion a été menée par rapport aux règles imposées par l’Etat en matière de protection contre le coronavirus. Le cours s’est alors concentré sur l’aspect éthique du problème et sur l’importance de la notion juste de « liberté ».
L’Enseignement catholique de Liège et de Namur-Luxembourg
Ingrid Busa, conseillère pédagogique dans les diocèses de Liège et Namur-Luxembourg et membre du Segec nous donne un aperçu de l’impact de la pandémie sur l’Enseignement catholique diocésain :
Madame Busa, en tant que conseillère pédagogique, pouvez-vous nous dire quelle fut la réaction du Segec à l’annonce de l’extension de l’épidémie amorcée à Wuhan en pandémie ?
Au niveau du Segec, la menace de la contagion de l’ensemble de la population a suscité un grand émoi. Une onde de choc a comme pétrifié les responsables. Mais, assez rapidement, la décision fut prise de trouver une solution grâce au numérique et de former les enseignants à ces différents outils.
Dès le mois de septembre de l’année passée, tous les professeurs ont été assidus aux formations en vue de « scénariser » leur enseignement, à le rendre le plus vivant possible.
A-t-on connu quelques « surprises » inhérentes à ce type d’enseignement ?
Malgré certaines difficultés de communication et quelques problèmes techniques (certaines régions de Wallonie ont un accès limité à internet), un apport positif – et quelque peu inattendu – de la pédagogie à distance a été la découverte par certains parents de l’importance éducative de l’école. Les « profs », ont-ils constaté, ne sont pas que des transmetteurs de matières. L’école fut redécouverte comme un lieu de socialisation. Ainsi, les parents qui devaient se rendre au travail ont réalisé combien leurs enfants furent pris en charge par des professeurs attentifs à chacun de leurs élèves, dans la mesure du possible.

Photo: Segec
Au plan plus spécifiquement religieux, que s’est-il passé dans les écoles ?
La pastorale scolaire a fort bien fonctionné. Comme tout un chacun, professeurs et élèves ont éprouvé le besoin d’échanger à propos de questions de « sens ». Comment lier la pandémie au message évangélique ? Quelles questions plus philosophiques pose la Covid et comment y apporter une réponse satisfaisante ? Toutes les écoles catholiques se sont engagées à fond dans ces démarches.
A l’occasion de Noël, des projets de pastorale scolaire ont été mis sur pied. A titre d’exemple, enseignants et élèves ont été invités à arborer un signe particulier ou un objet exprimant ce que Noël représentait pour eux. Chacun fut aussi invité à manifester un geste, à composer un petit texte à partager entre tous.
L’exemple de Remouchamps
Isabelle Charon, sous-directrice des Instituts St Joseph et St Raphaël à Remouchamps, témoigne de la gestion locale de la pandémie par ces deux écoles :
Madame Charon, comment vos enseignants ont-ils réagi à la pandemie ?
Tout au début, les enseignants n’étaient guère tracassés par les chiffres de la maladie transmis par les médias. Mais dès que l’épidémie se transforma en pandémie, une certaine panique s’est fait sentir au niveau du corps professoral. Ce ne fut pas toujours aisé de trouver la manière de réagir face aux diverses attitudes émotionnelles, surtout lorsque la fermeture des écoles fut décrétée.
Comment avez-vous procédé pour calmer les esprits et assurer le meilleur fonctionnement possible de vos établissements ?
Il a fallu rassurer par des moyens concrets. En équipe, tous les professeurs du Primaire, du Secondaire et les chefs d’ateliers, ont décidé de soigner au maximum la communication avec les élèves. Nous avons consacré trois journées à nous former au télétravail. Cela nous a permis d’installer une plate-forme de communication à partir de laquelle les titulaires, entre autres, ont pu garder un contact régulier avec chaque élève, dans les classes dont ils sont titulaires.
Et du côté des élèves, comment cette organisation qui a favorisé, malgré la crise, une réelle proximité avec l’école, a-t-elle été vécue ?
Dans l’ensemble, l’organisation du travail a produit ses fruits. Les élèves sont restés « accrochés » à leurs divers apprentissages. Mais le fait de ne plus assez se retrouver en un lieu communautaire a parfois engendré des problèmes au plan disciplinaire. Pour les jeunes, l’école reste pratiquement le seul lieu de socialisation. Dès lors, lorsqu’ils s’y retrouvent, leur principal objectif est de reconsolider leurs liens. Du même coup, des moments de dissipation s’installent dans les classes, au détriment de la progression des apprentissages.
En concertation avec la Direction, les professeurs s’efforcent chaque jour de trouver des moyens de remédier à ce problème, tout en continuant à demeurer attentifs à la communication avec les élèves dans les périodes où ils restent chez eux.
Propos recueillis par Jean-Philippe KAEFER