
© Hans Ausloos
Professeure à la KU Leuven, Bénédicte Lemmelijn est la première Belge à faire partie de la prestigieuse Commission biblique pontificale qui compte des exégètes du monde entier. Avec eux, elle conseillera désormais le pape François…
C’était un mardi. J’étais en train de corriger les épreuves de mes étudiants. A l’heure de midi, je monte à l’étage pour lire mes mails. Parmi ces mails, il y en avait un en italien… Je trouvais cela bizarre et j’ai bien failli le supprimer. Je pensais que c’était un spam. Mais j’étais intriguée: le message comprenait plusieurs annexes. L’une des annexes était… ma nomination, en latin, au sein de cette Commission biblique pontificale, signée par… le pape François. Une semaine plus tard, je trouvais une lettre officielle dans ma boîte aux lettres sur papier épais de qualité supérieure, également en latin, et portant les armes pontificales de François: Summus Pontifex.
C’est en ces termes que Bénédicte Lemmelijn, professeure de l’Ancien Testament à la KU Leuven, racontait son improbable nomination au micro d’un journaliste de Radio 1 qui lui demandait ce qui se serait passé si elle avait décliné la proposition du pape. « Oui, si j’avais vraiment voulu, j’aurais pu refuser. Mais une telle nomination ne se refuse pas. D’ailleurs, je n’ai jamais sollicité pour obtenir une telle mission. Je fais mon travail à l’université, c’est tout. Mon mari et moi-même étions perplexes. Par après, j’ai appris que ma nomination (et celle de neuf autres personnes) est intervenue à la mi-décembre déjà », a encore déclaré l’intéressée au journal Het Laatste Nieuws.
Conseiller le pape
Bénédicte Lemmelijn, qui habite Zoutleeuw (Léau) dans le Brabant flamand, est donc bel et bien la première femme belge à faire partie de cette prestigieuse Commission qui compte des exégètes du monde entier. Elle est nommée pour une durée de cinq ans au sein de cette commission présidée par le cardinal préfet de la Congrégation pour la doctrine pour la foi. « Je me sens un peu comme le jeune David de la Bible, choisi parmi tous ces gens tellement plus grands et plus importants… Les voies de Dieu sont vraiment insondables! »
La théologienne ne considère pas cette nomination comme un « mérite », mais « comme une grâce » qui lui « a été accordée »: « Mon chant, ces jours-ci, est le Magnificat! », confie-t-elle. « Depuis le début de ma carrière, j’essaie toujours d’apporter une contribution au grand public, en plus de mon travail vraiment technique de l’exégèse. »
Dans ses nouvelles fonctions au sein de la Commission biblique pontificale, Bénédicte Lemmelijn conseillera le pape François en matière biblique. Elle tentera d’apporter des réponses aux questions: Que nous enseignent les Saintes Ecritures en matière d’écologie, de solidarité avec les plus démunis, etc. Pour le moment, notre compatriote ignore comment s’organisera son travail au sein de la Commission biblique pontificale, qui a pour habitude de se réunir chaque année à Rome dans les jours qui suivent la fête de Pâques. Quoi qu’il en soit, Bénédicte Lemmelijn entend rester fidèle à sa méthode: « Etudier la Bible dans une approche scientifique combinée à une interprétation équilibrée pour un service de l’Eglise. »
Tisser du lien
Parlant de son futur travail au sein de la Commission, Bénédicte Lemmelijn se réfère à l’Ancien Testament: « Comme c’est toujours le cas dans la Bible, chaque ‘élection’ implique une tâche, qui n’est pas toujours facile… Et avec moi, il n’en est pas autrement: cette grâce contient en effet avant tout une tâche qui m’a été confiée, et ce au service de l’Eglise mondiale. » En tant que membre de la Commission, la théologienne va se consacrer ‘à tisser des liens’ entre sa solide connaissance des sciences bibliques et une pratique équilibrée de la foi et de l’inspiration biblique dans la pastorale mondiale.
Comment la théologienne Lemmelijn vit-elle sa foi? En préparant une conférence organisée par l’éditeur Halewijn en janvier 2019, elle écrivait que la Bible, « est un livre vraiment humain, fait pour les hommes et qui évoque un Dieu insaisissable. C’est un texte, une réflexion pleine de vie et de sens écrit par et pour les hommes. Dieu ne se laisse pas saisir mais qui le cherche peut le rencontrer dans une relation transcendantale. La Bible aborde aussi la relation entre l’homme et le monde où il vit ». La théologienne cite alors la prière de Charles de Foucauld: « Mon Père, je m’abandonne à toi, fais de moi ce qu’il te plaira. Quoi que tu fasses de moi, je te remercie. » Amour et charité, confiance mais aussi abandon. Il suffit de relire la prière Nada te turbe de Teresa d’Avila: « Nada te turbe, nada te espante; quien a Dio tiene nada le falta. Nada te turbe, nada te espante, solo Dios basta*. »
Jacques HERMANS
*Que rien ne te trouble, que rien ne t’effraie; celui qui a Dieu ne manque de rien. Que rien ne te trouble, que rien ne t’effraie; Dieu seul suffit.
© Hans Ausloos