Marie-Hélène Lafon aborde un thème grave avec une délicatesse propice aux œuvres remarquables. André, ce fils d'un père inconnu est un bâtard, ou du moins l'aurait-il été sans la présence aimante de son oncle Léon et de sa tante Hélène.
A travers ce roman sur la filiation, Marie-Hélène Lafon évoque la campagne française, sans dénigrer les mœurs provinciales. Elle contextualise magnifiquement l'atmosphère du Lot et du Cantal, la lenteur qui prévaut dans les campagnes indolentes et l'esprit de famille. Seule concession à une certaine modernité, l'écriture des chapitres procède par aller-retour dans les épisodes d'une biographie familiale articulée autour de l'absence du père de sang. Un éloignement d'autant moins coupable que celui-ci pourrait être, sait-on jamais, ignorant du manque suscité. "Depuis quelques jours, sans savoir pourquoi, André se demande si ce père aurait voulu le connaître lui, André, s'il voudrait le connaître."
Un mystère plane
Ainsi Gabrielle, indépendante dans sa tête et dans son corps, s'est-elle éprise d'un homme dont elle a eu un enfant, André. Un fils choyé l'année entière par sa sœur Hélène et le temps des vacances par elle, aux allures et au destin de Parisienne. A aucun moment, l'autrice ne s'appesantit sur des détails ou des scènes graveleuses. C'est dans une langue ciselée et de mouture plutôt ancienne qu'elle écrit cette histoire, arrachée à ses souvenirs. Précis, le vocabulaire décrit et pose les faits avec simplicité: "On frôlait des précipices glacés de solitude." De Gabrielle, aux "yeux d'océan", elle glisse, sentencieuse: "Elle est peut-être née trop tôt." Le silence prévaut avec cette mère qui rit, mais ne se raconte pas. Alors, les expressions des parents adoptifs s'imposent, puisque "ce sont des mots qui arrangent les choses, font rire, ou sourire, et consolent le monde."
La pudeur des discrets
André ne rencontrera jamais son père biologique. Pourtant, l'histoire se terminera de manière paisible, sans violence ni rancœur. Une forme de bienveillance habite ces pages et le cœur des personnages, emplis de sollicitude. Sans se morfondre, ils ne font pas de vague et prennent la vie avec toutes ses composantes.
Amplement mérité, le prix Renaudot vient de couronner ce titre. Avec "Histoire du fils", Marie-Hélène Lafon conquiert probablement un plus large public. Voilà une heureuse nouvelle.
Angélique TASIAUX
Marie-Hélène LAFON, "Histoire du fils". Buchet-Chastel, septembre 2020, 176 p.
Illustration : (c) Pixabay CCO