
Allégorie de la Justice
En introduction d’un forum sur la justice sociale rassemblant virtuellement des juges d’Afrique et d’Amérique, le pape François a évoqué les cinq principes fondamentaux d’un renouveau de la justice sociale. Un sujet qui nous concerne aussi en Europe.
« Il n’y a pas de justice sociale qui puisse se fonder sur l’inégalité » relève le Saint-Père dans la vidéo adressée aux juges africains et américains réunis, via internet, ces 30 novembre et premier décembre. Il y fait ainsi écho au thème de cette conférence internationale, parrainée notamment par l’Académie pontificale des sciences, qui traitait de « La construction de la justice sociale. Vers la pleine application des droits fondamentaux des personnes en situation de vulnérabilité ». Par ailleurs, son discours rejoint les thématiques déjà abordées dans les encycliques Laudato Si (écologie intégrale) et Fratelli Tutti (fraternité et amitié sociale) en insistant sur la place à donner à chacun – voire mieux: à partager avec chacun -, quel que soit son statut.
Cinq piliers pour soutenir une vraie justice
Le Saint-Père insiste sur cinq éléments nécessaires dans la recherche de la justice sociale. Le premier est le réalisme, c’est-à-dire ne pas nier les réelles inégalités entre « une minorité vivant dans l’opulence » et un nombre croissant de personnes « privées de dignité ». « Nous ne pouvons pas penser en étant déconnectés de la réalité », souligne François, appelant à ne pas fermer les yeux sur les injustices croissantes dans le monde.
Le deuxième pilier est d’œuvrer tous les jours en faveur de la justice, tous ensemble. « Ce qui est juste est une tâche à conquérir chaque jour, car le déséquilibre est la tentation de chaque instant », insiste le pontife.
Avec le troisième pilier, le Pape invite à rester toujours sensible à la souffrance de l’autre et à la soulager, tel un bon samaritain. « Nous avons pris l’habitude d’ignorer les situations jusqu’à ce qu’elles nous touchent directement », déplore-t-il, mettant en garde contre une « culture de l’indifférence ».
La justice sociale a aussi besoin de s’appuyer sur l’Histoire car « le passé est la source de toutes les expériences ». Ce quatrième pilier doit permettre de « se souvenir des luttes, des triomphes et des défaites, au cours desquelles le sang de milliers d’êtres humains a été versé au nom de la justice ».
Enfin, mettant en garde contre la tentation d’agir en « élite éclairée », ce qui, selon lui, se manifeste dans l’Église par le cléricalisme (autrement dit: le fait de travailler pour le peuple sans rien faire avec lui), François poursuit: « Il est très difficile de pouvoir construire la justice sociale sans nous baser sur le peuple ». Il s’agit d’introduire un « désir gratuit, pur et simple de vouloir former un peuple, sans prétendre être une élite illuminée. […] À partir de l’Évangile, ce que Dieu demande à nous, croyants, est d’être peuple de Dieu, non pas élite de Dieu ».
Dans « une société qui regarde aujourd’hui avec une certaine méfiance et suspicion ceux qui détiennent le pouvoir de décider de ce qui est juste », ce forum est, selon le pontife, un « baume de guérison », car « lorsqu’une justice est vraiment juste, elle rend les gens heureux et ses habitants dignes ».
Rendre aux pauvres « ce qui leur appartient »
Le Pape invite les juges à se montrer « solidaires et justes » en « luttant contre les causes structurelles de la pauvreté », et en faveur d’un toit, d’une terre, et d’un travail (« les trois ‘T’ qui nous rendent dignes »).
« Construisons la nouvelle justice sociale en admettant que la tradition chrétienne n’a jamais reconnu comme absolu et intouchable le droit à la propriété privée et a toujours souligné la fonction sociale de toute forme qu’il prend », ajoute-t-il. « Le droit de propriété est un droit naturel secondaire dérivant du droit que tous ont, né de la destination universelle des droits créés. Il n’y a pas de justice sociale qui puisse se fonder sur l’iniquité, qui présuppose la concentration de la richesse », insiste le Saint-Père.
La tâche des juges doit donc se nourrir du « simple fait de savoir que, lorsque nous nous résolvons dans la loi, nous donnons aux pauvres les choses indispensables, nous ne leur donnons pas nos choses, ni celles des autres, mais nous leur rendons ce qui leur appartient ». L’évêque de Rome a demandé aux juges de « lutter contre cette culture qui conduit à l’utilisation des autres, à l’asservissement des autres, et qui finit par enlever la dignité des autres ».
En se basant sur ces cinq piliers, les juges doivent pouvoir dépasser la théorie et construire cette nouvelle justice sociale comme « une nouvelle et urgente pratique judiciaire », contribuant à l’unité et à la paix, explique François en conclusion de son message.
NG avec médias (Vatican News et Cath.ch)
Crédit photo: CC-By S.A. 4.0