C’est une première. Ce lundi, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a déclaré pouvoir traiter la plainte que six jeunes portugais, âgés de 8 à 21 ans, ont déposé à l’encontre de trente-trois Etats, le 3 septembre dernier. L’objet de leur action: ces trente-trois pays, dont la Belgique, ne mettraient pas en œuvre les mesures suffisantes pour lutter contre le changement climatique, mettant ainsi leur vie et leur bien-être physique et psychique en danger. Dès lors, certains de leurs leurs droits fondamentaux ne seraient pas respectés.
Accompagnés par l’ONG britannique Global Legal Action Network (GLAN), ces jeunes se réfèrent à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, stipulant que « nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ».
Cette plainte rappelle des actions similaires dans plusieurs pays européens, dont la Belgique, et notamment celle que la Fondation Urgenda a mené aux Pays-Bas en 2015. Cette fondation a obtenu une condamnation en justice du gouvernement des Pays-Bas en raison de son action insuffisante pour « contrer le danger imminent causé par le changement climatique ».
Les mois qui viennent nous apprendront si la plainte déposée auprès de la CEDH a une chance d’aboutir. Quoiqu’il en soit, cette action fera date, par son invocation des droits humains en lien immédiat avec le changement climatique. On peut bien sûr s’étonner de sa référence à l’article sur l’interdiction de la torture, signe que l’arsenal juridique européen ne prévoit pas, à l’heure actuelle, de considérer les délits climatiques comme une atteinte aux droits humains fondamentaux.
Cette approche pourrait s’avérer porteuse pour l’avenir. Ne pourrait-on concevoir, au niveau de l’Union européenne, que l’inaction en matière climatique, ou des actions polluantes commises par des entreprises au sein des Etats-membres de l’UE, soient clairement désignées comme étant des infractions relatives aux droits fondamentaux? A partir de là, de tels faits seraient juridiquement condamnables, et des mesures climatiques votées par le Parlement européen seraient alors contraignantes. On pourrait même rêver de grands traités internationaux adoptés sous l’égide de l’ONU…
Perspectives idéalistes? Peut-être. Telle est la philosophie des droits humains, qui exige un combat toujours renouvelé pour les traduire dans la réalité.
Christophe HERINCKX