Interdiction des cultes : la grogne des fidèles


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Interdiction des cultes : la grogne des fidèles
Par Vincent Delcorps
Publié le - Modifié le
4 min

Vendredi dernier, les autorités politiques belges ont amorcé l’aube d’un déconfinement pour le pays. Mais aucune mesure d’assouplissement n’a été annoncée pour les cultes. De plus en plus de chrétiens commencent à rouspéter. Pour l’heure, surtout sur les réseaux sociaux…

Ce n’est pas (encore?) une révolte, mais cela commence à gronder. Ces derniers jours, la cathosphère belge francophone s’est mise à vibrer. A l’origine? La dernière conférence de presse donnée par les autorités politiques du pays. Le 27 novembre, le comité de concertation a annoncé que les commerces "non-essentiels", les piscines et les musées allaient pouvoir rouvrir. En revanche, aucun assouplissement n’a été autorisé pour les cultes. En clair: de manière inédite, l’on ne pourra, cette année, célébrer l’eucharistie à Noël.

"Un scandale!"

Sur Facebook, de nombreux chrétiens ne se sont pas montrés découragés. Voire, mieux, ils ont tenté de donner du sens à cette annonce. "Cela devra nous inviter à une plus grande solidarité avec les plus démunis. Ils sont la crèche de Jésus!", a rapidement réagi Pierre Hannosset, curé du côté de Chaudfontaine. "Tâchons de vivre dans nos maisons un Noël particulièrement bienfaisant!", a embrayé Joseph Schmetz, curé à Welkenraedt. "Un enfant s’annonce, lumineux et réjouissant. Laissons-le entrer dans nos vies familiales."
C’est avec moins de flegme que d’autres prêtres ont réagi. "Refuser la reprise des cultes est participer à faire croire que l’homme peut se passer de la recherche du sens", a publié le père Marc Leroy, prêtre à Koekelberg, sur son profil Facebook. "Créer un vide spirituel est, à la limite, criminel!" Indignation aussi chez Hadelin de Lovinfosse, prêtre à Walcourt: "Nous avons montré notre sens des responsabilités en confinant avant même les mesures gouvernementales. Aujourd'hui, nous sommes tout simplement niés. C'est grave."

"Que faire pour exister?"

Arguments et contre-arguments se sont très largement répandus. Notamment sur la page Facebook de Tommy Scholtes, le porte-parole des évêques de Belgique. Ce lundi, sa réaction aux décisions gouvernementales avait été largement partagée, et fait l’objet de 215 commentaires. Entre les lignes se révèle un clivage: d’un côté, ceux qui estiment que les chrétiens (et notamment les évêques) devraient se montrer plus offensifs; de l’autre, ceux qui mettent l’accent sur les risques sanitaires et la nécessaire solidarité. Dans un article également très commenté, Eric de Beukelaer n’a pas manqué d’apporter son point de vue. "Faut-il donc sans cesse taper du poing sur la table pour se faire respecter? Non – et le Dieu qui se fait enfant dans la crèche, est là pour nous le rappeler." Le vicaire épiscopal du diocèse de Liège n’a toutefois pas manqué de déplorer le fait qu’aucune allusion n’ait été faite aux cultes lors de la conférence de presse. "Rappeler l’origine religieuse de Noël et la dimension spirituelle qui s’y déploie, ne fait offense à personne. Mieux – cela fait du bien à tout le monde."
Toujours sur Facebook, Arnaud Join-Lambert, professeur de théologie à l’UCLouvain, s’est également étonné de l’invisibilité des cultes, particulièrement dans l’espace médiatique. "Les religions disparaissent du paysage... ni essentielles, ni non-essentielles. Que faire pour exister?"
A défaut de pouvoir aller à la messe, les chrétiens auront largement de quoi méditer en cette fin d’année.

Vincent DELCORPS

Une mobilisation pour la reprise des célébrations

A moins d'un mois de Noël, un groupe de catholiques belges fait entendre sa voix, dans une carte blanche, pour demander le retour des messes. Dans cette lettre, les auteurs interpellent le Premier ministre, Alexander De Croo: "Prêtres en ville ou à la campagne, aumôniers, religieuses et religieux, responsables de Fabriques d’église et chrétiens, nous vous demandons de ne pas discriminer les millions de croyants de notre pays." Ils écrivent ne pas comprendre qu'on puisse faire ses courses de Noël, aller à la piscine ou au musée, mais pas à la messe, en particulier pour les "célébrations de Noël, anniversaire de la naissance du Christ". Ils observent que le Comité de concertation n'a "rien dit de l’essentiel pour de très nombreuses personnes en Belgique : les cultes." et voient dans ce silence "un mépris de la foi qui fait vibrer les cœurs d’un grand nombre de nos concitoyens."

Les auteurs de la lettre rappellent encore l'engagement des catholiques, dès le début de la crise sanitaire, dans la lutte contre l'épidémie et observent l'application stricte des protocoles. Ils demandent aujourd'hui au gouvernement de pouvoir "vivre nos célébrations en mettant en place des mesures strictes qui respectent les règles sanitaires autant que dans les commerces non-essentiels, les musées ou les piscines" et se disent prêts à se montrer créatifs avec par exemple des célébrations en extérieur pour Noël: "Laissez les croyants et les citoyens célébrer, prier et se rassembler dans leurs églises".

Au mois de mai, une initiative similaire avait été relayée sur les réseaux sociaux. La pétition qui était associée à cette initiative avait rassemblé quelques milliers de voix.

M.V.

Catégorie : Belgique

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