A Liège, le Trinkhall Museum, anciennement MADmusée, devait officiellement ouvrir ses portes le 19 mars 2020 dans son tout nouveau bâtiment du parc d’Avroy, à Liège. La pandémie de Covid-19 a quelque peu chamboulé le calendrier. Le musée est désormais accessible sur rendez-vous et propose de découvrir sa toute première saison sur le thème Visages/frontières.
Le projet de réhabilitation, dans un style très futuriste, et d’extension du bâtiment, qui abritait l’ancien MADmusée, est porté par la Ville de Liège et l’asbl Créahm. Depuis quarante ans, celle-ci défend l’expression artistique des personnes porteuses d’un handicap mental. Par la création d’ateliers animés par des praticiens en arts plastiques et en arts vivants, l’association liégeoise entendait inscrire son projet dans un cadre pleinement artistique, et non thérapeutique ou occupationnel.
Nouveau musée, nouvelle identité
Le nouveau musée a pour mission de mettre en valeur sa très riche collection, près de trois mille œuvres, venant du monde entier, essentiellement réalisées par des artistes porteurs de handicap mental. Mais avec un projet muséal profondément renouvelé reposant sur la notion d’arts situés* qui manifeste la singularité et la nouvelle identité du Trinkhall dans le paysage des arts contemporains. Les liens que le musée entretient avec les ateliers du Créahm restent bien entendu très étroits.
Ni le handicap ni la maladie mentale ne génèrent des formes expressives spécifiques
Le Trinkhall se conçoit aussi comme un lieu de vie, d’émotion et de pensée ouvert sur la ville et sur le monde, un lieu d’émulation où s’éprouvent la nécessité de l’art et ses multiples dimensions. Dans leur grande majorité, les artistes représentés dans la collection sont handicapés mentaux. Mais la richesse et l’extraordinaire diversité de leurs œuvres ne permettent pas, loin de là, d’isoler des caractéristiques générales, de genre ou de style, qui seraient associées au handicap mental. Au regard de la collection, la seule caractéristique vraiment pertinente est celle de la vulnérabilité individuelle ou sociale des auteurs, qui rend ces œuvres justement fortes et interpellantes.
Une première saison consacrée au visage pose la question de l’identité
Les activités du Trinkhall - expositions, productions d’ateliers, publications, résidences d’artistes, causeries, concerts, projections, spectacles - s’organiseront autour de thématiques annuelles. La première saison est ainsi consacrée au visage et pose la question de l’identité. Qu’est-ce qu’un visage? Qu’est-ce qu’être soi? Les visages exposés, d’une bouleversante intensité, traversent les frontières en ce qu’ils s’effacent, se dédoublent, se déchirent, s’emboîtent ou se multiplient, témoins d’existences fragiles et fragmentées, inquiètes ou jubilantes. Au cœur du musée, les visages de la collection dialoguent notamment avec un crâne surmodelé de Nouvelle-Guinée – Papouasie ou un autoportrait de Rembrandt.
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Des artistes contemporains reprennent en images les questions que leur adressent les visages de la collection. Thomas Chable, Hélène Tilman, Anne de Gelas, Dany Danino ou Yvon Vandycke interviennent dans les murs du musée en proposant, chacun, une œuvre qui relaie la thématique du visage. Enfin, vous pourrez admirer des productions du Créahm, conçues et réalisées spécialement pour l’ouverture du musée.
Mettre en lumière des artistes à part entière
A l'étage, une salle présente une sélection d œuvres de Pascal Tassini. Né en 1955, l'artiste local a fréquenté les ateliers du Créahm pendant plus de vingt ans. Aujourd'hui, son oeuvre est mondialement reconnue. Il a notamment été exposé à Paris. Sa pièce majeure est "La cabane". Sa technique de prédilection consiste à entremêler des matériaux de récupération les uns aux autres par le moyen de pièces textiles nouées ensemble.
Au rez-de-chaussée, les visiteurs pourront découvrir les "monographiques" c'est-à-dire des expositions qui, tous les six mois, mettent à l’honneur un artiste travaillant en atelier, en Belgique ou à l’étranger. La première des monographiques était consacrée à Jean-Michel Wuilbeaux, artiste de Valenciennes, résident de la Pommeraie, où il développe depuis une trentaine d’années une œuvre peinte mais écrite également, colorée et poétique. La salle des monographiques accueillera ensuite les œuvres de Pierre de Peet (dès octobre 2020) et d’Adolfo Avril (dès mars 2021).
Sophie DELHALLE
*La notion d’arts situés prend en compte la situation de l’œuvre d’art, dans la globalité de son existence, de son processus de création jusqu’au dialogue suscité avec le spectateur. Au début du XXe siècle, différentes expressions permettaient de désigner cette production artistique "du dehors" c’est-à-dire hors du cadre académique habituel: arts des fous, arts primitifs, arts bruts, arts outsiders... La notion d’arts situés est aujourd’hui au cœur de la politique muséale du Trinkhall pour penser la relation art et handicap mental, en évacuant toute forme de réduction ou de stigmatisation.
Infos pratiques
Trinkhall Museum, Parc d’Avroy, 4000 Liège – Belgique
info@trinkhall.museum
www.trinkhallmusem.be
mardi > dimanche de 10h à 18h
Fermé le lundi. Accès gratuit chaque premier dimanche du mois.
Crédit photo: CathoBel