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Les migrants font l’objet de l’actualité par leur situation de plus en plus problématique sur l’île de Lesbos, en Grèce. Le pape François a fait écho à d’autres appels d’organisations pour les accueillir dans tous les pays d’Europe.
« Une solidarité concrète et une responsabilité partagée à l’échelle nationale comme internationale, sont nécessaires pour faire face au défi migratoire », a déclaré le pape lors de l’audience de membres de l’initiative “Snapshots from the borders”, le 10 septembre 2020. Cofinancé par l’Union européenne, ce projet vise à renforcer un nouveau réseau horizontal et actif entre les villes confrontées directement aux flux migratoires aux frontières de l’Union européenne.
« Votre projet est tourné vers l’avenir », s’est enthousiasmé le pontife argentin, car il peut permettre à la société européenne d’offrir « une réponse plus humaine et coordonnée aux défis migratoires contemporains ». Parmi les personnes présentes à cette audience, figurait notamment Salvatore Martello, maire de Lampedusa et Linosa et coordinateur de l’initiative. Selon l’évêque de Rome, un tel projet peut véritablement contribuer positivement au développement des politiques migratoires.
Raconter autrement la migration
Le souverain pontife a ainsi encouragé à développer « un nouvel humanisme » en matière migratoire, qui aille au-delà d’une simple « philosophie de vie ». C’est pourquoi il propose de mettre les visages au premier plan afin de raconter autrement le phénomène migratoire.
Souvent considérées comme « des barrières de division », les frontières peuvent, selon le pape, devenir des « fenêtres, des espaces de connaissance mutuelle, d’enrichissement réciproque, de communion dans la diversité » ou encore des lieux où s’expérimentent des modèles pour surmonter les difficultés. « Personne ne peut rester indifférent aux tragédies humaines qui continuent de se consumer en diverses régions du monde », a-t-il ajouté.
« La politique tue les gens »
Réagissant à l’incendie qui a ravagé le camp de Lesbos abritant près de 12.000 réfugiés dans la nuit du 8 au 9 septembre, le cardinal Krajewski, aumônier du pontife, s’est par ailleurs dit très choqué par l’annonce du maintien de la structure: « Combien de personnes doivent mourir pour que nous bougions enfin? (…) Il y a des pays européens qui seraient prêts à accueillir, les paroisses sont prêtes, tant de gens sont prêts », a-t-il expliqué, appelant à la fermeture de la structure et à l’accueil des réfugiés sur le continent européen.
Le prélat a déploré l’absence de volonté politique. « La politique tue les gens » parce qu’elle est « une politique inhumaine, contraire à toutes les valeurs européennes ». Ces personnes sont déjà entrées en Europe. Mais l’Europe, avec leurs droits, piétine l’espoir », a-t-il affirmé.
En avril 2016, le pape François s’était rendu dans le camp de réfugiés de Moria, sur l’île de Lesbos, qu’il avait décrit comme un « Lager » ( en référence aux « Konzentrationslager », camps de concentration en allemand) européen – appelant le Vieux continent à prendre ses responsabilités. Présent lors de ce voyage, le cardinal Krajewski était retourné sur l’île en décembre 2019 pour permettre à 33 migrants, dont 14 mineurs, de s’installer en Italie.
Le Polonais a réfuté totalement l’argument selon lequel il n’est pas possible d’accueillir les milliers de migrants du camp grec: « Cela ne coûterait rien: les familles que nous avons accueillies en Italie n’ont rien coûté à l’État, une simple signature suffisait ».
“Tutti Fratelli“ (Tous frères)
L’humanité et la fraternité sont justement les points centraux de sa future encyclique. Le titre mais aussi le jour et le lieu qu’il a choisis pour la signer « en disent beaucoup » sur son contenu, confie Pietro Messa, doyen de l’École supérieure des études médiévales et franciscaines de l’Université pontificale Antonianum, à l’agence I.MEDIA le 9 septembre 2020.
Pour le franciscain comme pour d’autres spécialistes, l’expression « Tutti Fratelli » est à n’en point douter tirée de la sixième admonition de saint François: « Considérons, tous frères, le bon Pasteur: pour sauver ses brebis, il a souffert la Passion et la Croix. À sa suite, les brebis du Seigneur ont marché à travers les souffrances, les persécutions, les humiliations, la faim, les maladies, les tentations, et toutes sortes d’épreuves. En retour, elles ont reçu du Seigneur la vie éternelle. Nous devrions avoir honte, nous, les serviteurs de Dieu. Car les saints ont agi ; nous, nous racontons ce qu’ils ont fait, dans le but d’en retirer pour nous honneur et gloire. »
Dans l’esprit interreligieux
Dans cette exhortation, Saint François reprend ses frères qui s’enorgueillissent du martyre de cinq d’entre eux, morts au Maroc en 1220 alors qu’ils étaient partis prêcher l’Évangile, explique le franciscain. « Il rappelle ainsi ses frères à l’ordre alors qu’ils s’éloignent de l’objectif de la sainteté et s’enferment dans la mondanité spirituelle ». Comme pour sa seconde encyclique Laudato Sí, le pontife a choisi de puiser dans les écrits du Poverello (Saint François) pour la baptiser, fait remarquer le franciscain: les deux textes s’inscrivent donc dans le même sillage. François, note Pietro Messa, est à la fois le « gardien de la Création mais aussi cet homme qui a rencontré le sultan Malik El-Kamil » en 1219 à Damiette, en Egypte.
Pour délivrer ce message de fraternité au monde, relève-t-il encore, c’est à Assise, sur la tombe du saint de l’Ombrie, que se rendra le pontife argentin. Un tel lieu fait aussi selon lui référence à « l’esprit d’Assise » et donc à la rencontre interreligieuse organisée par le pape Jean Paul II, en 1986, il y a exactement 34 ans.
Un titre difficile à traduire
Reste que le titre ne va pas être facile à traduire si l’on veut éviter de faire référence au seul genre masculin plutôt qu’à l’ensemble de l’humanité. Des débats ont déjà commencé alors que la traduction officielle du titre de l’encyclique en anglais n’a pas été fournie par le Vatican.
Rappelons que le titre de l’encyclique Laudato Sí n’a pas été traduit en français. Puisse la thématique de la suivante aider tous les êtres humains à dépasser des querelles de titre pour passer à l’action.
NG avec cath.ch