Sept couples, sept histoires. Dans son dernier ouvrage, Raphaëlle Simon nous fait pénétrer dans l’intimité de ces hommes et ces femmes qui ont progressé ensemble sur le chemin de la sanctification dans l’ordinaire de la vie conjugale.
« J’ai été marquée par ces vies aux destins particuliers, mais je voulais aussi parler de vie de couples ordinaires, avec une foi et un amour très forts, dont l’histoire est très édifiante. » C’est après s’être intéressée aux destins particuliers de Baudouin et Fabiola puis de Charles et Zita de Habsbourg, que Raphaëlle Simon saisit l’opportunité de consacrer un livre entier à des « couples de feu et de foi ». Des itinéraires différents, aux fortunes diverses – parfois tragiques – mais tous portés par un même amour, enraciné dans la prière et le souci de l’autre.
Raphaëlle Simon avait déjà rédigé un article sur Baudouin et Fabiola, mais restait frustrée. « Dans un article, on ne peut pas tout dire. » Dans cet ouvrage, « je voulais m’attacher aux faits, au concret, montrer que ces couples étaient ancrés dans le réel, en évitant toute interprétation. » Restait à choisir les « heureux élus » car, « plus je m’intéressais au sujet, plus la liste s’allongeait ». Le choix de Raphaëlle se porte sur sept couples dont l’histoire couvre deux siècles. « Au-delà des époques, ces couples montrent une réelle modernité. Leur amour est vivant, hors du temps. Tous ces couples sont en fait très actuels. »
Vivre pleinement le mariage
Des couples qui, toutefois, ne prétend(ai)ent nullement à la perfection. Certains n’étaient d’ailleurs pas attirés par le mariage. Par peur du carcan bourgeois, peur de l’engagement aussi, on le sent très fort dans le parcours du couple Petrillo (lire ci-dessous), pointe Raphaëlle Simon. « Et finalement, ce qui est beau, c’est que tous répondent à cet appel, cet appel de l’amour, et, dans chacune des histoires, ils reçoivent leur conjoint comme un don de Dieu. » Des couples qui, tout amoureux et fervents qu’ils soient, n’échappent pas aux épreuves. Dans certains cas, notamment celui de Baudouin et Fabiola, « on peut réellement parler de vocation contrariée » en raison des nombreuses grossesses non abouties de la Reine. Dans plusieurs cas aussi, l’un des deux conjoints quittera prématurément ce monde.
« Un point commun que je pourrais citer pour tous ces couples est qu’ils ont vécu le mariage de manière complète, dans ses quatre dimensions: liberté, fidélité, fécondité, indissolubilité », analyse l’auteure. Comme l’écrit Sophie Lutz dans la préface, par leur exemple de vie conjugale, ces hommes et ces femmes nous proposent une véritable catéchèse vivante sur le mariage. Ce à quoi Raphaëlle Simon ajoute: « En vivant pleinement le mariage chrétien, ils nous donnent quelque chose à voir de Dieu. Le but n’est pas de les imiter, mais de les considérer comme des sources d’inspiration. »
Mon conjoint, Dieu et l’autre
Au sein de ces couples, la complémentarité des caractères apparaît de manière assez évidente, le souci également d’aider son conjoint à répondre à sa propre vocation. La prière, solitaire ou à deux, est alors un soutien inestimable. Pensons à l’exemple d’Elisabeth Leseur qui pria toute sa vie pour la conversion de son mari anticlérical… Ce dernier deviendra prêtre dix ans après la mort de son épouse. « La puissance de la prière décuple l’amour, elle occupe une place importante dans chacune des histoires », note Raphaëlle Simon. L’Eucharistie et la consécration au sacré Cœur traversent également les itinéraires des sept couples, avec, pour certains, un attachement à la Vierge assez marqué.
Des couples qui vivent donc une foi « jamais déconnectée du souci des autres, des pauvres », précise l’auteure. « L’amour de Dieu, l’amour du conjoint, l’amour du prochain n’entrent pas en concurrence, il n’y a pas de rivalité entre ces différentes amours. » Ainsi, mon conjoint est mon premier prochain, et comme le disait Chiara Petrillo, prendre soin de mon mari vaut mille prières. On retrouve, dans la bouche de cette jeune femme moderne mais aussi dans celle de l’empereur autrichien, l’idée que l’on se marie « pour s’entraider à aller au Ciel« . Un amour que la mort ne vient pas éteindre, puisque le conjoint survivant garde dans son cœur la présence de sa moitié, parfois dans une fidélité et un veuvage de (très) longue durée (67 ans pour l’impératrice Zita).
Couples épistolaires
Ces histoires nous enseignent que l’amour est, certes, un sentiment, mais relève aussi de la volonté, nous invite à prendre soin et à agir en fonction de l’autre. « J’ai été frappée par cette forme d’obéissance réciproque que se manifestent les époux entre eux », ajoute encore Raphaëlle Simon. Comme le disait Frédéric Ozanam, désormais, « nous dirons nous ».
L’écriture occupe aussi une place de choix dans ces récits de vie. Pendant leurs fiançailles, éloignés l’un de l’autre, les futurs Ozanam apprennent à se connaître en échangeant de très nombreuses missives. Plus proche de nous, Chiara Petrillo ressent également le besoin de coucher ses sentiments sur le papier quand elle se trouve face aux grands moments de sa vie. Ecrire pour se dire en vérité, exprimer ses sentiments, sans jugement. « C’est quelque chose que notre génération est en train de perdre », regrette l’auteure qui s’est plongée dans la précieuse correspondance de certains de ces couples pour écrire son ouvrage.
Sans forcément aller jusqu’au don total, au don de sa vie, comme l’ont vécu certains protagonistes de ce livre, le mariage nous apparaît désormais comme une voie possible de sainteté de l’ordinaire; pour reprendre les mots du pape François, il existe une « classe moyenne de la sainteté », et par le mariage, nous pouvons être saints en faisant des « petits pas possibles », comme le disait Enrico Petrillo.
Sophie DELHALLE
Raphaëlle Simon, « Couples de feu et de foi », préface de Sophie Lutz, Editions Emmanuel, 2020, 264 pages.
© Olivier Pain