Le Covid provoquera-t-il l’émergence d’une société nouvelle? Peut-être. Mais à la thèse d’une révolution, c’est l’idée de transition qui l’emporte. Quels pourraient en être les contours? Voilà la question à laquelle s’intéresse le dernier numéro d’En Question, la revue du Centre Avec.
Relancer. Redémarrer. Recommencer. Ces verbes ont la cote ces derniers temps. Pas étonnant: après avoir mis leur quotidien entre parenthèses pendant de longs mois, de nombreux citoyens souhaitent au plus vite retrouver leur vie normale. Les aviateurs se languissent de remplir à nouveau leurs engins volants; les artistes sont impatients de retrouver leur public; et les prêtres souhaitent retrouver du monde dans leurs églises. Logique. Et parfois même vital.
Et pourtant, une autre musique se fait entendre. De divers côtés, on nous invite à faire de la crise une opportunité. On nous parle d’un « kairos » – ce temps favorable qu’il s’agirait de saisir pour créer du neuf. On évoque la nécessité de faire jaillir du « monde d’avant » un « monde d’après ». Nous vivrions un temps unique, et nous pourrions le transformer en une rupture historique.
Les limites du monde d’avant
Force est de constater que le coronavirus est venu révéler les failles de notre société. Sur la question environnementale, notamment. « Le Covid est une zoonose, c’est-à-dire une maladie transmissible des animaux à l’être humain, et vice-versa« , souligne Frédéric Rottier, directeur du Centre Avec. « D’autres virus de ce genre reviendront à la surface, au fur et à mesure que l’humanité perturbera les milieux naturels sur cette planète. »
C’est aussi dans la manière dont nos régimes ont tenté de combattre le virus que des dysfonctionnements sont apparus. « En Belgique, on a constaté de graves manquements dans les réserves nationales de matériel de protection et de détection, un manque de personnel, une capacité de testing insuffisante…« , reprend Frédéric Rottier. N’y a-t-il pas là autant d’invitations à privilégier le long terme? A éviter les coupes budgétaires dans les soins de santé? A écouter davantage la science? « Est-ce un hasard si les dirigeants qui ont nié le plus longtemps la réalité épidémiologique gouvernent également les pays où le virus sévit le plus fort?« , s’interroge encore Frédéric Rottier.
Transition plutôt que révolution
Alors, on fait quoi? On tourne la page et on passe à autre chose? « Ces derniers mois, de nombreux courants intellectuels et politiques se sont emparés de l’idée d’un ‘après’ pour en dessiner les contours« , observe Pascal Chabot, professeur de philosophie à l’IHECS. « Je souhaite saluer la saine puissance de l’imagination. Mais je constate aussi que ces rêves nécessaires et importants ont confondu un peu trop vite le gel d’un monde et son rejet véritable. »
En clair: difficile de mettre sur pied un nouveau monde alors que tant de gens aspirent à retrouver les charmes de l’ancien. Par ailleurs, les mythes révolutionnaires ne sont plus tellement au goût du jour. En 2020, on leur préfère le doux langage de la transition. « Les pragmatiques pensent qu’un approfondissement du progrès humain allié à une transition écologique, est préférable aux grandes promesses idéologiques dont la caractéristique la plus identifiable est souvent leur populisme« , analyse Pascal Chabot.
Reste à construire cette transition. On commence par où? Comment? Et avec qui? Les chantiers ne manquent pas. Ci-dessous, voici trois propositions.
Vincent Delcorps
La revue En Question est éditée par le Centre Avec. Dernier numéro: « Corona: Les germes d’un monde meilleur? » 5€ au lieu de 7 pour les lecteurs de Dimanche (hors frais de port) Infos: www.centreavec.be –info@centreavec.be – 02 738 08 28.
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